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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

saints, fertullien opposait la multiplicité des opinions divergentes auxquelles les philosophes étaient parvenus, selon lui, en altérant cette doctrine : « Après avoir trouvé Dieu dans nos livres[1], ils ne se sont pas contentés, dans leurs discussions, de le présenter tel qu’ils l’avaient trouvé ; ils ont découvert sujets à contestation dans sa qualité, dans sa nature, dans sa résidence. Les uns l’ont déclaré incorporel et les autres corporel ; tels les Platoniciens et les Stoïciens. Épicure le compose d’atomes et Pythagore de nombres ; à Héraclite, il a semblé forme de feu. Les Platoniciens veulent qu’il prenne soin des choses d’ici-bas ; les Épicuriens, au contraire, le prétendent oisif et inactif ; dans les choses humaines il n’est, pour ainsi dire, rien du tout. Les Stoïciens le placent hors du Monde ; de l’extérieur, il en fait tourner la masse comme le potier tourne sa roue ; les Platoniciens le mettent dans le Monde ; semblable à un pilote, il demeure à l’intérieur de ce qu’il gouverne. Mêmes variations au sujet du Monde ; il a eu naissance ou il n’a pas eu de commencement ; il doit finir ou bien il doit demeurera jamais. Mêmes contestations au sujet de la nature de l’âme ; pour ceux-ci, elle est divine et éternelle ; pour les autres, elle est vouée a la destruction. »

À ces innombrables divergences des philosophes, qu’on n’aille pas comparer les dissensions des sectes diverses que le Christianisme a vu, lui aussi, naître dans son sein. Les Chrétiens possèdent un caractère immuable qui leur permet de reconnaître et de rejeter toute opinion hérétique. « À tous ceux qui corrompent notre doctrine, nous appliquons sans tarder cette règle de la vérité : Il faut qu’elle vienne du Christ et qu’elle nous ait été transmise par ses compagnons ». Par là se maintient, en face de la multiplicité des systèmes philosophiques, l’unité du dogme chrétien.

Saint Basile laisse transparaître le dédain que lui inspirent les fatigantes disputes des pédants ; écoutons-le :

« Cest[2], comme ils disent, afin de franchir res défilés de déductions, que certains philosophes ont conçu une cinquième essence corporelle propre à constituer et engendrer le ciel et les étoiles ; ils ont donc rejeté les opinions de ceux qui les avaient précédés ; ils n’ont usé que de leurs propres arguments. Mais un autre est venu, plus habile que ces derniers en l’art de persuader ; il les a attaqués ; il a réfuté et dissous leurs arguments, et il a apporté

  1. Quinti Septimi Florentis Tertulliani Apologeticus adversus gentes, cap. . XLVII.
  2. S. Basilii In Hexaemeron homilia I, II [S. Basilii Opera omnia accurante Migne, tomus primus (Patrologiæ grœcœ tomus XXIX) Coll. 27-28].