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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

» Ce sont là les sept actions naturelles. La huitième, en effet, est accidentelle. Elle se produit lorsque des vents violents viennent en aide à la mer…

» Ainsi, comme nous l’avons dit ci-dessus, dans chacun des deux hémisphères, la durée du flux est naturellement égale à la durée du reflux suivant. Il en est ainsi, à moins que, nous l’avons dit, quelque inégalité n’intervienne par accident. De ces accidents même, il y a deux genres. L’un est propre au mouvement des marées ; il dépend des sept causes que nous avons décrites. L’autre est étranger à ce phénomène ; c’est l’aide qu’apporte la force du vent. C’est donc de ces huit causes que dépend tout accroissement ou toute diminution des flux et des reflux.

» Mais au sujet de ces flux et de ces reflux, voici l’avis qui est universellement reçu pour vrai : Le flux, c’est le premier des deux mouvements, et il suit l’efficace de la Lune à titre d’effet naturel ; le reflux, c’est le retour naturel des eaux aux mers d’où elles étaient sorties. Lors donc que la durée du flux est accrue d’une certaine quantité, la durée du reflux suivant est abrégée sensiblement de la même quantité, et inversement.

» Il se peut, en outre, que les obstacles présentés par les rivages engendrent quelque inégalité. Par exemple, lorsque le flux recouvre le rivage, s’il vient à remplir les cavités de certaines roches ou bien encore des vallées ou des fossés profonds, il reviendra à la mer moins d’eau qu’il n’en était sorti, puisqu’une partie de cette eau a été laissée sur le sol. De même, lorsque le flux doit lutter contre un fleuve qui se jette à la mer, les eaux nouvelles amenées par le fleuve feront nécessairement prévaloir le reflux.


» Chapitre VII[1]. Tout cela étant bien expliqué, je pense qu’on peut attribuer à la Lune la cause de ce mouvement ; cette assertion, nous la laisserons pleinement démontrée si nous montrons la faiblesse de l’opinion de ceux qui la contredisent.

» Ceux-ci prétendent donc que la mer possède par nature, et non pas en vertu d’une puissance émanée de la Lune, la propriété que ses ondes soient agitées par une sorte de bouillonnement ; le débordement de ces ondes produit le flux. »

Parmi les arguments qu’oppose notre auteur à ceux qui voient dans le flux un gonflement spontané et naturel de la mer, citons seulement celui-ci :

  1. Albumasaris Introductorium, lib. III, cap. VII ; éd. cit., fol. sign. c 3, ro, et fol. sign. c 4, vo.