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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

mesurés qui s’observent dans les crises des maladies aiguës provient de la Lune. Ils ont admis que la vertu de la Lune porte et agit sur les humeurs qui se rencontrent en ce monde ; qu’elle engendre, dans ces humeurs, des espèces propres à les altérer, et que, par là, selon la préparation de la matière, elle aide ou contrarie la maturation et la digestion. Ils en trouvent des preuves dans la loi qui régit le flux et le reflux de la mer, dans la croissance des cervelles des animaux qui suit l’accroissement de la lumière de la Lune, dans la maturité des fruits, des arbres et des plantes, maturité qui se produit à la pleine-lune ou à la nouvelle-lune.

» Ils disent que les humeurs du corps subissent l’action de la Lune, en sorte que leurs dispositions varient lorsque la disposition de la Lune vient à changer ; et plus est rapide le changement dans la disposition de la Lune, plus aussi est rapide l’apparition de la diversité dans la disposition des humeurs. »

Cette Lune humide et modérément chaude qui engraisse les huîtres, mûrit les fruits et, par l’altération des humeurs, règle les crises des maladies ; ces planètes dont les affections diverses, analogues aux qualités des corps sublunaires, déterminent les influences variées, tout cela est bien loin de la cinquième essence rigide, immuable, dénuée de toute qualité, capable seulement d’occuper tel ou tel lieu, avec laquelle Aristote construisait les cieux. Dans la Physique des derniers Stoïciens, des Chaldéens, des Néo-platoniciens, il nous est bien malaisé de retrouver les théories de la Physique péripatéticienne. De cette Physique, cependant, un dogme est demeuré inébranlable, et c’est celui-ci[1] :

« Ce monde-ci est lié en quelque sorte, et d’une manière nécessaire, aux mouvements locaux du monde supérieur, en sorte que toute la puissance qui réside en notre monde est gouvernée par ces mouvements ; cela donc qui est, pour tous les corps célestes, le principe du mouvement, cela, on le doit considérer comme la Cause première. »

En vertu de ce dogme, les philosophies antiques ont réduit la Physique entière à n’être qu’une immense Astrologie. C’est du mouvement des cieux que le Monde attend ses destructions et ses renouvellements périodiques ; c’est l’observation des astres qui permet d’annoncer les changements divers de l’atmosphère, la fécondité ou la stérilité des plantes, la croissance des animaux, les événements heureux ou malheureux qui doivent marquer notre

  1. Voir Chapitre IV, § V ; t. I, p. 164.