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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

identique à l’ordre parfait des mouvements célestes ; un principe de désordre, la Matière première (Ὕλη) qui entre dans la constitution de toutes les choses sublunaires.

Le médecin, dès lors, doit être pénétré de cette vérité « que la nature est une chose ordonnée ; dès là que la matière est dominée, les mouvements de la nature s’accomplissent suivant des rapports bien définis et des cycles réguliers. »

Faute de cette connaissance, le médecin interviendrait à contre-temps ; il entreprendrait d’aider la nature à des moments où la matière, incomplètement vaincue, empêche la nature de se mouvoir suivant le rythme régulier qui lui est propre.

C’est cette marche régulière de la maladie que Galien pense avoir découverte ; le nombre de jours au bout desquels se produit la crise détermine, suivant des lois arithmétiques parfaitement fixes et précises, les dates auxquelles se présenteront les diverses particularités de l’affection ; la connaissance du jour critique fait prévoir tout le cycle suivant lequel la maladie évoluera.

De ces règles arithmétiques qui sont, pour le médecin, si utiles à connaître, Galien se refuse à donner l’explication : « Les nombres sont-ils aptes à agir par eux-mêmes ? Ou bien, sans agir eux-mêmes, accompagnent-ils seulement les mouvements ordonnés, résultent-ils de l’action que certaines substances exerceraient en un temps déterminé (ταῖς ἐν χρόνῳ τινὶ δρώσαις οὐσίαις ἑπομένοι) ? Je laisse aux philosophes le soin d’examiner cette question ».

Si les médecins, à l’exemple de Galien, s’adonnèrent avec ardeur à l’étude des jours critiques, ils n’imitèrent pas la prudence de celui qui les avait signalés le premier. En ce temps si fort adonné à l’Astrologie, il était vraiment trop tentant de chercher dans les mouvements célestes et, en particulier, dans le mouvement rapide de la Lune, l’explication du rythme qui scande la marche des maladies. Sous l’influence des médecins astrologues. ce que devint la théorie des jours critiques, nous ne le demanderons pas à un Grec ; c’est un Arabe, c’est Avicenne qui nous le dira ; mais Avicenne avait tiré sa science des livres des médecins hellènes, non seulement de ceux de Galien, mais aussi de ceux d’Archigène dont, en maintes circonstances, il préfère l’avis à celui de Galien.

Voici donc ce qu’enseigne Avicenne[1] au sujet « de la cause des jours critiques et des périodes de la crise » :

« Nombre de gens ont admis que la cause des temps exactement

  1. Avicenne Liber canonis medicinus, lib. IV, feu II, tract. II, cap. II.