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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

qu’on se propose d’accomplir, sinon de tirer du corps une chose incorporelle ? Et comment arrivera-t-on à faire du corps une chose incorporelle, si ce n’est en produisant la destruction du corps, si ce n’est en le tuant et en séparant l’âme d’avec le corps ?… La destruction du corps s’obtient en le pulvérisant… Et pourquoi tout cela ? Afin de faire sortir l’esprit qu’on veut obtenir, afin d’introduire dans le corps le principe tinctorial, afin que la nature de ce corps soit saturée par une nature congénère, victorieuse et dominatrice de la première, et qui établisse sa demeure au sein de celle-ci. Et quand cela arrivera-t-il ? Lorsqu’une des natures inférieures, saturée par ce qui vient d’en haut, aura déposé tout ce qu’elle renferme de terrestre. »

Les opérations de l’Alchimie ont donc pour objet de diriger des natures célestes, de les détacher de certains corps pour les porter sur d’autres. Aussi l’alchimiste ne pourra-t-il accomplir son œuvre avec succès que s’il entretient son esprit dans un commerce constant avec les choses du Ciel.

« Voici donc, écrit Étienne[1], ce qui doit être réalisé, ce qu’il faut s’appliquer à faire si l’on veut que l’œuvre s’accomplisse d’une manière complète : Passe des choses sensibles à la contemplation des choses intelligibles ; porte tes regards vers la grande et immatérielle beauté des êtres célestes. Toi qui, ayant élevé ton esprit vers ces êtres, en as contemplé la noble apparence, qui as admiré la puissance et l’éclat de la gloire et du bonheur dont jouissent les anges intelligibles, tu ne dévieras plus, maintenant, lorsque tu voudras produire l’information matérielle des substances d’ici-bas, lorsque tu voudras accomplir l’œuvre qui nous occupe, la formation philosophique de l’or, enfin dévoilée. Dirige donc toute ton intelligence vers les choses d’en haut ! »

L’extase, chère aux philosophes alexandrins, devient ainsi, au gré d’Étienne, une préparation favorable aux opérations du Grand Art.

À ces esprits ou âmes que renferment les corps, à ces essences incorporelles, Étienne d’Alexandrie a donné le nom de natures célestes. Il a déclaré, en outre, qu’elles étaient les artisans (δημιουργοί) des autres natures. Un des disciples d’Étienne va nous donner un commentaire de cette affirmation.

Le traité Sur la vertu et l’interprétation, composé par Zosime, ne nous est pas parvenu pur de tout mélange ; le texte que nous possédons est accompagné de développements beaucoup plus

  1. Stephani Alexandrini Op. laud., lib. VIII ; éd. cit., p. 241.