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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

semblable, peut-on dire, à la nécessité qui fait tomber, de degré en degré, l’eau d’une cascade. En sortant du monde inférieur, l’âme n’échappe à la domination des astres que pour tomber sous la domination des dieux. Nulle part, dans le système néo-platonicien, le libre arbitre n’a de place.

C’est ce qu’a fort bien reconnu Julius Firmicus Maternus. De son livre, nous allons citer un passage que nos intelligences modernes trouvent bien étrange, mais qui, cependant, s’accorde fort exactement avec l’ensemble de sa doctrine.

Julius Firmicus se propose[1] démontrer que l’Astrologie, capable d’annoncer l’avenir aux simples mortels, ne saurait prévoir le sort de l’Empereur.

« Aucun mathématicien, dit-il, n’a jamais rien pu déterminer touchant la destinée de FEmpercur. Seul entre tous, en effet, l’Empereur n’est pas soumis au cours des astres ; il est le seul dont les étoiles n’aient pas le pouvoir de nous découvrir la destinée. Comme il est le maître de tout le globe terrestre, sa destinée est directement gouvernée par la raison du Dieu suprême ; en effet, comme la surface terrestre du globe entier est soumise au pouvoir de l’Empereur, l’Empereur lui-même se trouve placé au nombre des dieux que la Divinité principale a institués pour la création et la conservation de toutes choses. »

Chargé d’une fonction providentielle et, donc, divine, l’Empereur est dieu ; supérieur au monde sublunaire et aux orbes célestes, il échappe au déterminisme qui dérive du cours des astres : mais il n’est pas, pour cela, doué de libre arbitre ; seulement, la nécessité qui l’asservit émane directement de la Cause première.


XI
LES PRINCIPES DE L’ASTROLOGIE APRÈS POSIDONIUS (suite). —
L’ASTROLOGIE ET L’ALCHIMIE

L’âme humaine n’échappe au pouvoir fatal des astres qu’en se séparant de tout corps ; dès là qu’elle est incorporée, elle tombe sous l’empire des étoiles fixes et des planètes ; à plus forte raison, les substances corporelles du monde sublunaire sont-elles rigoureusement soumises, dans toutes leurs transformations, au gouvernement des orbes célestes.

  1. Iulii Firmici Materni Matheseos liber II cap. XXXIII.