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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

Auteur pour assurer, par là, la perpétuité de la génération et de la mort ; elle se meut aussi d’un autre mouvement uniforme dirigé en sens contraire du premier. C’est le Ciel qui contient à son intérieur tous les êtres susceptibles de s’engendrer et de périr ; c’est lui qui conserve chacun d’eux, conformément aux conditions auxquelles les formes sont soumises dans ces composés ; s’il venait à être privé de tout mouvement propre, tout cela ferait défaut ; c’est donc de cette nature du Ciel, douée du mouvement de révolution, que procède la nature intérieure, douée de mouvements et de formes multiples ; et c’est la contrariété entre les mouvements de cette nature-ci qui est cause de la génération et de la destruction. »

Réceptacles des formes émanées du Monde intelligible, les astres sont, à leur tour, les sources qui répandent les formes dans le Monde sublunaire. De ce principe, la Théologie d’Aristote nous dorme un curieux exemple.

« Exposons maintenant, dit-elle[1], suivant quelle règle admirable les astres et les âmes du Monde supérieur, [c’est-à-dire du Monde intelligible], gouvernent les choses d’ici-bas…

» Disons, à ce propos, que, parmi toutes les étoiles qui existent au ciel et qui y désirent le Monde intelligible, la planète Jupiter détient le premier rang ; c’est elle surtout qui, après avoir contemplé les formes pures qui constituent ce Monde, reçoit, selon sa capacité, la bonté et la lumière qui en émanent ; et cette capacité est, en elle, plus grande que dans les autres étoiles, parce qu’elle aime davantage, ce qui lui a donné une plus haute dignité.

» Aussi, celui qui observe cette planète lui devient-il semblable en beauté, en dignité et en lumière. De même, à celui qui a contemplé le soleil et qui, ensuite, jette les yeux sur la terre, la terre paraît rouge parce que son regard est teint de rouge…

» Si donc, de ces formes illustres qui résident au-dessus des vieux, vous souhaitez d’acquérir une science parfaite, vous ne parviendrez à sonder du regard leur éclatante dignité que par le moyen que nous avons dit ; il vous faudra contempler profondément l’Archiplanète ; alors, la lumière de cette planète, qui est comme un sceau imprimé par le Monde supérieur, se répandra en vous ; revêtu de l’éclairement que diffuse cet astre, vous lui deviendrez presque égal ; aidé par une sorte de puissance qui vous soulèvera, vous comprendrez, selon votre désir, la clarté suprême [du Monde intelligible] et toutes les formes qui en participent…

  1. Aristotelis Theologia, lib. XI, cap. I ; éd. 1519, fol. 39, vo, et fol. 40, ro ; éd. 1572, fol. 100, vo, et fol. 101, ro.