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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

rarchie des corps doit donc être à la ressemblance de la hiérarchie des âmes. Aux âmes indivises et divines dont ils sont les supports, correspondent les corps des astres ; aux âmes partielles dont ils sont les véhicules, répondent les corps soumis à la génération et à la destruction.

Cette subdivision des corps en deux catégories, « elle s’est faite sous l’action de cette cause une qu’est le Démiurge ; et c’est pourquoi les corps qui commandent aux autres (τὰ ἡγεμόνα) sont éternels et ne peuvent éprouver aucune transformation. Cette subdivision, elle a été, aussi, produite par le Destin ; c’est le Destin, en effet, qui est le maître des circulations périodiques ; il comprend en lui-même les périodes totales comme les périodes partielles ; c’est encore lui qui réunit le semblable au sembable. Cette subdivision, elle a également été faite par les âmes, par les âmes indivises comme par les âmes partielles ; c’est, en effet, parce que les âmes sont unies les unes aux autres que les corps qui les supportent s’unissent aux corps de même nature. Parlant, dès là que l’âme partielle se règle sur l’âme indivise, le véhicule de cette âme partielle suit exactement la marche du véhicule de l’âme divine ; de même que cette âme-là imite la connaissance de cette âme-ci, de même ce corps-là reproduit-il, [par son mouvement], une image du mouvement de ce corps-ci ».

Ces considérations ont pour conséquence naturelle la justification de l’Astrologie. Aussi Proclus ne manquera-t-il pas, en diverses autres pages de son Commentaire au Timée, de nous montrer comment la doctrine astrologique se relie à son système métaphysique, et de nous laisser deviner quelle opinion favorable il a conçue de la Science des Chaldéens.

Nous avons vu[1] qu’au Timée, Platon faisait une claire allusion à la divination astrologique. C’est ce passage du Timée qui suggère à Proclus les réflexions que voici[2] :

« Ces astres se comportent toujours de la même manière ; et cependant, tantôt ils sont stationnaires, tantôt ils ont une marche directe [et, tantôt, une marche rétrograde] ; les uns par rapport aux autres, ils sont en conjonction ou en opposition. Lorsqu’un d’entre eux s’interpose entre un autre et nous, il devient un intermédiaire entre les âmes divines et nous ; toute âme, en effet, n’est pas, d’une manière immédiate, unie à toute autre âme, mais elles sont reliées les unes aux autres par des intermédiaires plus ou moins nombreux. Les occultations et les réapparitions

  1. Vide supra, p. 274.
  2. Procli Diadochi Op. laud., éd. cit., vol. III, pp. 150-151.