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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Pour qu’une âme partielle, donc, puisse, en ce bas monde, mouvoir ou vivifier un corps, il lui faut la permission et la collaboration de toutes les âmes participables, unies à des corps célestes, dont elle est issue d’une manière directe ou indirecte.

Désireuse de garder une abstraite généralité, l’Institution théologique de Proclus ne descend pas jusqu’à déduire de ses principes la justification de l’Astrologie : un autre écrit du Diadoque nous fournira cette déduction.

Comment le Destin (Εἱμαρμένη), qui règle, ici-bas, les démarches des âmes comme les changements des corps, résulte de l’action harmonieuse de toutes ces causes hiérarchisées, Proclus se plaît à nous le décrire dans son commentaire au Timée de Platon. En tout acte, conforme à la loi du Destin, qu’accomplit soit une âme partielle et incorporée, soit un corps, nous allons discerner, selon les principes qu’a posés l’Institution théologique, la collaboration de tous les êtres qui résident, à des degrés de plus en plus élevés, des âmes partielles, des âmes divines, enfin de l’intelligence première que Proclus, à l’imitation de Platon, appelle ici le Démiurge[1].

Après avoir rejeté quelques définitions du Destin, empruntées à Aristote, à Alexandre d’Aphrodisias, à Porphyre, à Théodore de Mopsueste, il poursuit en ces termes[2] :

« Le Destin, ce n’est pas, non plus, l’intelligence universelle (ὁ Νοῦς τοῦ παντός), comme le dit Aristote si, toutefois, le livre Περὶ Κόσμου est de lui ; car ce que fait l’Intelligence, elle le fait d’une manière universelle ; pour s’exercer, son gouvernement n’a nul besoin d’un rythme périodique, d’une suite continue, d’une série bien ordonnée. C’est là, au contraire, le propre caractère du Destin ; il est la série, il est l’ordre, il est l’accomplissement périodique d’œuvres multiples.

» Mais s’il nous faut, dans une formule unique, embrasser l’idée totale du Destin, nous devrons déclarer en principe qu’il est la Nature même, pénétrée de divin, toute remplie des lumières qu’ont émises les dieux, les intelligences et les âmes. À la Nature, en effet, vient se terminer la hiérarchie des dieux qu’on appelle directeurs de la destinée (μοιρηγέται θεοὶ) ; à la Nature aboutissent les familles des êtres plus puissants. Dans la vie unique de la Nature, ces familles déposent, à titre de dons,

  1. Procli Diadochi In Platonis Timœum commentaria. Edidit Ernestus Diehl, Lipsiæ, MCMIII, vol. I, p. 70.
  2. Procli Diadochi In Platonis Timœum commentaria. Edidit Ernestus Diehl, Lipsiæ, MCMVI, vol. III, pp. 272-276.