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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Chaque âme agit sur les âmes qui procèdent d’elle et sur le corps auquel elle est éternellement ou temporairement unie. Analysons cette action,

Tout[1] ce qui est produit par des causes secondes est aussi, et à plus forte raison, produit par les causes premières, et douées de plus de causalité, qui ont produit ces causes secondes. — Πᾶν τὸ ὑπὸ τῶν δευτέρων παραγόμενον, ϰαὶ ἀπὸ τῶν προτέρων ϰαὶ αἰτιωτέρων παράγεται μειζόνως, ἀφ’ ὦν ϰαὶ τὰ δεύτερα παρήγετο. Puis, en effet que la cause seconde tient toute sa substance (οὐσία) de celle qui se trouve avant elle, c’est de là aussi que lui vient la force de produire (ἡ δύναμις τοῦ παράγειν). »

Voilà un principe essentiel dont il nous faut suivre les conséquences.

Tout ce qu’un être causé est capable de produire naturellement[2] la cause de cet être le fait en même temps que lui. « Συνυφίστησιν ἄρα αὐτῷ ὄσα πέφυϰε παράγειν ». Toute action d’une cause seconde suppose une collaboration de la cause qui la précède. L’Âme émane de l’Intelligence ; par conséquent, tout ce que fait l’Âme, l’Intelligence le fait avec l’Âme et avant l’Âme ; « tout ce que l’Âme donne aux choses qui sont au-dessous d’elle, l’Intelligence le leur donne à plus forte raison ». De même, l’Intelligence a le Bien pour cause ; « aussi, tout ce qui a l’Intelligence pour cause a aussi le Bien pour cause. — Καὶ δὴ ϰαὶ ὅσων Νοῦς αἴτιος, ϰαὶ τὸ Ἀγαθὸν αἴτιον ». Ainsi[3], tout ce que produit une intelligence, elle le produit en vertu d’un pouvoir qu’elle tient des causes qui lui sont supérieures et parmi lesquelles se trouve toujours l’Être ; « ce qu’une intelligence fait, elle le fait de par l’Être. — Ποιεῖ δὲ, ἃ ποιεῖ, τῷ Εἶναι. »

Donc, dans toute œuvre accomplie par une cause seconde, nous devrons voir non seulement ce que cette cause fait en vertu de sa nature particulière et de sa causalité propre, mais encore ce qu’elle opère par délégation des causes supérieures dont elle est, elle-même, l’effet.

Appliquons cette remarque à l’action d’une âme divine[4], qui dérive d’une intelligence divine et, par celle-ci, des dieux suprêmes, de l’Être et du Bien.

« Toute âme divine a une activité triple ; elle en a une en tant qu’âme, une autre en tant qu’elle a reçu un esprit divin, une

  1. Procli Op. laud., LVI ; éd. 1822, pp. 88-89 ; éd. 1855, p. LXX.
  2. Procli Op. laud., LVII ; éd. 1822, pp. 92-93 ; éd. 1855, p. LXXI.2
  3. Procli Op. laud., CLXXIV ; éd. 1822, pp. 260-261 ; éd. 1855, p. CVI.
  4. Procli Op. laud., CCI ; éd. 1822, pp. 300-301 ; éd. 1855, p. CXIV.