Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE


De même faut-il établir une hiérarchie entre les âmes qui sont issues de la première Âme ; et, entre elles, il y a lieu de distinguer trois catégories.

Toute âme, en effet, est en relation avec une intelligence dont elle tient le pouvoir de connaître. Il se peut que cette âme participe éternellement et sans cesse d’une intelligence divine ; elle est alors une âme divine[1]. Il se peut qu’elle participe sans cesse d’une intelligence intellectuelle ; elle se place alors dans une catégorie inférieure à celle des âmes divines. Mais encore au-dessous de cette catégorie, il faut ranger les âmes qui sont soumises au changement et qui, par l’effet de ce changement, sont tantôt unies à une intelligence et, tantôt, s’en trouvent séparées.

Toute âme divine préside[2] à une multitude d’âmes de la seconde catégorie ; toute âme de la seconde catégorie préside à une multitude d’âmes de la troisième catégorie ; les unes et les autres sont des âmes auxquelles participent des âmes inférieures ; chacune d’elles est une âme participable (ψυχὴ μεθεϰτή). Au contraire, les âmes de la troisième catégorie ne peuvent plus répandre leur vie en d’autres âmes qui seraient placées au-dessous d’elles, qui participeraient d’elles ; chacune d’elles est une âme partielle (ψυχὴ μεριϰή), incapable d’une nouvelle subdivision.

« Toute âme participable[3] se sert immédiatement d’un corps éternel qui possède une substance exempte de naissance et de mort ». Les âmes participables sont donc celles qui animent les orbes célestes et les astres. Les âmes particulières, au contraire, sont celles qui descendent dans le monde de la génération[4] ; chacune de ces âmes y descend une infinité de fois et, une infinité de fois, remonte vers l’Être ; indéfiniment, donc, sa vie se compose de laps de temps passés parmi les dieux, qui alternent avec des laps de temps passés dans les corps du monde sublunaire.

Ainsi, dans la théorie de Proclus comme dans la théorie de Julius Firmicus, nous trouvons, au sommet, de la hiérarchie des âmes, une Âme toute première dont toutes les autres sont issues directement ou indirectement ; puis les âmes unies aux corps éternels des cieux ; puis, émanées de celles-là, les âmes qui descendent temporairement au sein des corps soumis à la génération et à la corruption.

  1. Procli Op. laud., CLXXXII, CLXXXIII, CLXXXIV ; éd. 1822, pp. 272-277 ; éd. 1855, p. CIX.
  2. Procli Op. laud., CCIV ; éd. 1822, pp. 304-307 ; éd. 1855, p. CXV.
  3. Procli Op. laud., CXCVI ; éd. 1822 ; pp. 292-29.3 ; éd. 1855, p. CXII.
  4. Procli Op. laud., CCVI ; éd. 1822, pp. 308-311 ; éd. 1855, p. CXVI.