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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

établie, Plotin n’a donc imaginé aucune supposition vraiment nouvelle ; il s’est borné à formuler, d’une manière catégorique et précise, des propositions qui, sous une forme encore hésitante et vague, hantaient déjà la pensée de ses prédécesseurs.


VIII
LES PRINCIPES DE L’ASTROLOGIE APRÈS POSIDONIUS (suite).
LA MATIÈRE PREMIÈRE EST LE PRINCIPE DU MAL. LES GNOSTIQUES. PLOTIN

Plotin ne veut pas qu’on puisse dire d’une planète qu’elle est méchante ; il ne veut pas qu’on puisse la rendre responsable des malheurs qu’elle annonce ; et, pour cela, de ces malheurs, il déclare qu’elle n’est pas cause, mais seulement signe.

Mais si les astres sont signes des événements bons ou mauvais qui adviendront dans le monde sublunaire, c’est en vertu d’une harmonie établie par le premier Être, par la Cause suprême. Les maux dont ils ne sont point causes, faut-il donc en faire remonter la responsabilité jusqu’à la Cause première ou, du moins, jusqu’aux substances qui s’échelonnent entre cette Cause et les orbes célestes ?

Au-dessus des orbes célestes sont trois substances. Au sommet de tous les êtres, réside le Premier, l’Un (τὸ Πρῶτον, τὸ Ἕν). De l’Un, émane éternellement l’Intelligence (Νοῦς). De l’intelligence, à son tour, l’Âme (Ψυχή) procède de toute éternité et, de toute éternité, produit et meut les cieux. Or, l’Un, l’Intelligence, l’Âme sont des dieux absolument bons. « Là[1], le mal n’existe aucunement ; et si l’on s’arrêtait là, rien ne serait mauvais. — Τὸ ϰαϰὸν οὐδαμοῦ ἐνταῦθα· ϰαὶ εἰ ἐνταῦθα ἕστη, ϰαϰὸν οὐδὲν ἂν ἦν. »

Plus encore que les cieux, les dieux suprêmes, les trois substances de la trinité plotinienne sont incapables de causer le moindre mal, donc d’avoir produit ce qu’il y a de mauvais dans le monde inférieur.

Des maux qui désolent ce monde, quel est, dès lors, le principe ? Pour répondre à cette question, Plotin n’aura pas à innover ; il lui suffira de préciser, de formuler une pensée fréquemment émise avant lui, en particulier par les Gnostiques.

Saint Irénée nous fait connaître la doctrine des élèves du

  1. Plotini Enneadis primœ lib. VIII, cap. II ; éd. Didot, p. 41.