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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

l’idéalisme platonicien, qui expulse tout autre mode d’activité que celle d’un être intelligible. »

Aussi la doctrine astrologique dont un Marcus Manilius nous a donné l’exposé, favorablement accueillie par les Stoïciens, révoltait-elle, au contraire, les Néo-platoniciens.

Plotin ne voulait pas simplement qu’on imitât Ptolémée ; il ne lui suffisait pas qu’à côté des causes efficientes secondes, représentées par les corps, on admit l’existence et l’efficacité de la Cause première ; par une réaction extrême contre le matérialisme des Chaldéens, de Manilius, des Stoïciens, il voulait qu’on refusât le titre de cause efficiente à tous les corps, même aux corps célestes.

Macrobe écrit[1], dans son Commentaire au songe de Scipion : « Plotin, dans son traité intitulé : Les astres agissent-ils ? déclare que rien n’arrive aux hommes en vertu de la force ou du pouvoir des astres ; mais les événements que la nécessité dit décret [divin] a réglés pour chacun de nous, la marche des sept astres errants, par ses stations et ses rétrogradations, nous les fait connaître ; de même les oiseaux, soit qu’ils progressent en volant, soit qu’ils s’arrêtent, nous signifient, des plumes et de la voix, des choses futures qu’ils ignorent. C’est ainsi qu’on pourra cependant, à juste titre, dire que Jupiter est salutaire et que Mars est terrible, car, par celui-là, sont signifiés (significantur) les événements heureux et, par celui-ci, les événements malheureux. »

Les astres ne sont donc pas les causes efficientes des événements du monde inférieur ; ils n’en sont que les signes ; ils ne les produisent pas, ils les annoncent.

Nous ne possédons plus l’ouvrage de Plotin que citait Macrobe ; mais nous lisons les Ennéades, où Plotin rappelle et développe ce qu’il avait dit en cet ouvrage[2] :

« Que le mouvement des astres signifie, pour chaque être, ce qui doit arriver, mais que ce mouvement ne fasse pas toute chose, comme il semble à beaucoup de gens, nous l’avons dit ailleurs, et notre raisonnement en a fourni certaines preuves. Mais il nous en faut parler derechef, plus exactement et plus longuement. Qu’il faille admettre, en effet, cette opinion-ci ou celle-là, ce n’est pas chose de mince importance. »

Les astrologues, en regardant les étoiles fixes ou errantes comme les causes efficientes de tout ce qui advient dans le monde

  1. Theodosii Ambrosii Macrobii Ex Cicerone in somnium Scipionis commentarius, lib. I, cap. XIX.
  2. Plotini Enneadis IIœ lib. III, cap. I (Plotini Enneades, éd. Firmin Didot, p. 61).