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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Ce déterminisme de Chrysippe n’est pas, d’ailleurs, exempt de contradiction. Cet auteur, en effet, n’a pas craint d’écrire[1] : « Les natures particulières, les mouvements particuliers, rencontrent beaucoup d’obstacles et d’empêchements ; tandis qu’à la nature de l’Univers, il n’en est pas. » — « Mais, observe avec justesse le philosophe de Chéronée, le mouvement de l’Univers se développe dans les mouvements particuliers ; comment donc, si l’on fait obstacle à ceux-ci, si on les empêche, celui-là demeure-t-il sauf de tout obstacle et de tout empêchement ? »

Ne nous étonnons donc pas de voir Plutarque se faire, contre le fatalisme des Stoïciens et des Chaldéens, le champion de la liberté humaine.

Plutarque décrit avec une extrême clarté la conception astrologique du Destin, loi périodique qui ramène exactement les mêmes événements lorsqu’une nouvelle Grande Année recommence son cours :

« Bien que le Destin, dans son cycle, embrasse en sa totalité, dit-il[2], l’infinité des événements qui vont d’un passé infini à un avenir infini, il n’est cependant pas infini, mais fini. En effet, aucune loi, aucune raison, aucune chose divine n’est infinie. Mieux encore comprendrez-vous ce qui vient d’être dit si vous considérez la période entière et le temps total (σύμπας χρόνον) ; alors, comme il est dit au Timée, les mouvements des huit périodes, dont les vitesses sont mesurées à l’aide de la circulation de ce qui demeure toujours le même et marche uniformément[3], reprennent leur point de départ ; suivant cette même mesure, qui est bornée et exactement conçue, tout ce qui se trouve dans le Ciel, et tout ce qui, sur la ferre, est lié d’une manière nécessaire aux choses d’en haut, se trouve ramené au même état, et, à partir de ce nouveau commencement, toutes choses se reproduiront de la même manière. Au bout de longues périodes, donc, se reproduira la disposition du Ciel, non seulement celle de tous les corps célestes les uns par rapport aux autres, mais encore celle qu’ils affectent à l’égard de la terre et de toutes les choses terrestres ; mais aussi les choses qui résultent de cette disposition et qui en dépendent, [directement ou] parce qu’elles dépendent les unes des autres, se représenteront, chacune portant les effets qui découlent d’elle d’une manière nécessaire. Prenons-en un exemple dans ce qui nous concerne ;

  1. Plutarchi Op. laud., cap. XLVII ; éd. cit., p. 1292.
  2. Plutarchi De fato cap. I (Plutarchi Chæronensis Scripta moralia, éd. Didot, t. I. pp. 687-688).
  3. Le ciel des étoiles fixes.