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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

» Il y a, disent-ils, dans la ceinture des signes, que les Grecs nomment Zodiaque, une certaine force ; cette force est telle que les diverses parties de ce cercle meuvent et transforment l’atmosphère (cælum) l’une d’une manière, l’autre d’une autre ; chaque partie du Zodiaque agît selon la place occupée, à chaque moment, par les étoiles [errantes] dans les régions voisines de cette partie ; car cette force est diversement mise en action par les étoiles qu’on appelle errantes… En effet, puisque nous voyons l’approche ou l’éloignement des astres produire les diverses saisons de l’année, déterminer de si grands changements, de si importantes révolutions dans l’état de l’atmosphère (tempestates cæli}, puisque tout ce que nous voyons est produit par la force du Soleil, ils regardent non seulement comme vraisemblable, mais encore comme vrai que les enfants, à leur naissance, soient diversement animés et formés selon que l’air, à ce moment, est disposé de telle ou telle manière (utcunque temperatus sit aër) ; c’est ainsi, pensent-ils, que sont façonnés les dispositions d’esprit, les mœurs, le caractère, le corps, toute l’action de la vie et la chance de chacun des événements [qui s’y doivent rencontrer]. »

Pour ceux qui professaient nue telle doctrine, qui avaient à la défendre contre les sceptiques, l’influence manifeste de la Lune sur les marées était bonne aubaine. Quel empressement ils mettaient à faire état de cette preuve, il est à peine besoin de le dire. Écoutons, cependant, le philosophe Favorinus. À Rome, Aulu-Gelle[1] l’a entendu disserter en grec « contre ces gens qui s’appellent Chaldéens ou généthliaques, et qui se font fort d’annoncer les événements futurs d’après la position et le mouvement des étoiles. » Par Favorinus et par son auditeur Aulu-Gelle, nous saurons quel était l’argument favori de ces astrologues.

« Ils ont vu que certaines choses terrestres, qui se produisent au milieu des hommes, sont mues par l’impression et la direction des choses célestes ; l’Océan, par exemple, est, pour ainsi dire, le compagnon de la Lune ; avec elle, il vieillit ou est rajeuni ; de là, ils ont tiré argument pour nous persuader de croire que toutes les choses humaines, les plus petites aussi bien que les plus grandes, sont comme liées aux étoiles fixes et aux astres errants, qu’elles sont menées et régies par ces corps. Mais parce que la marée de l’Océan correspond au cours de la Lime, nous faudra-t-il croire que l’affaire de tel particulier qui plaide contre des

  1. Aulu-Gelle, Les nuits attiques, livre XIV, ch. I.