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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

marées de forte amplitude ; Pline, qui n’en est pas à une invraisemblance près, dit[1] qu’elles atteignaient quatre-vingts coudées (environ trente-sept mètres).

Or le Pseudo-Galien[2] attribue à Euthymène cette observation :

« Le flux advient lorsque la Lune croît, et le reflux lorsque la Lune décroît ». Le De placitis philosophorum[3] énonce la même observation, mais il la met sur le compte de Pythéas.

Ces renseignements du Pseudo-Galien et du Pseudo-Plutarque ne méritent peut-être pas grande créance ; ils vont être, toutefois, confirmés, jusqu’à un certain point, par d’autres auteurs ; ces auteurs nous apprendront, en effet, qu’au troisième siècle, les Hellènes curieux des choses de la mer connaissaient l’influence exercée sur la marée par le cours de la Lune.

Antigone, de Carystus (Caristo) dans l’Île d’Eubée, qui vivait au iiie siècle avant notre ère, écrit[4], dans un recueil de phénomènes merveilleux : « Un dit que le détroit qui longe l’Italie s’élève et s’abaisse suivant la croissance et la décroissance de la Lune ». Nous avons vu que le Περὶ θαυμασίων ἀϰουσμάτων, faussement, attribué à Aristote, affirmait une loi toute semblable. Mais Ératosthène, contemporain d’Antigone de Carystus, va se montrer plus complètement instruit des lois de la marée.

C’est par Strabon que nous connaîtrons en partie ce qu’Ératosthène disait des marées.

Nous apprenons, tout d’abord, qu’Ératosthène usait des observations de Pythéas ; Artémidore, nous dit Strabon[5], reprochait à Ératosthène d’ajouter foi à diverses affirmations du voyageur marseillais, affirmations dont une avait pour objet la marée océanique.

Strabon nous enseigne également[6] qu’Ératosthène soutenait, contre Archimède, que les diverses parties d’une mer d’un seul tenant ne sont pas toutes de même niveau. « C’est pour cette raison, à son avis, que les détroits semblables à l’Euripe et, surtout, le détroit de Sicile, sont parcourus par des courants ; ce dernier détroit, dit-il, éprouve des effets tout semblables à ceux que produisent le flux et le reflux de l’Océan (ὅν φησιν ὁμοιοπαθεῖν ταῖς ϰατὰ τὸν ὠϰεανὸν πλημμυρίσι τε ϰαὶ ἀμπώτεσι) ; le courant change de sens deux fois en un jour et une nuit, de même qu’en cette durée,

  1. C. Plinii Secundi De Mundi historia, lib. II, cap. XCVII.
  2. Pseudo-Galien, Historia philosophica, LXXXVIII.
  3. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophiorum, lib. cap. XVII.
  4. Roberto Almagià, Op. laud., loc. cit., p. 389.
  5. Strabonis lib. III, cap, II, ir ; éd. cit., cap. 123.
  6. Strabonis Geographica, lib. I, cap. III, II ; éd. cit., pp. 45-46.