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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

mouvements sur les positions occupées par la Lune et par le Soleil ?

À l’étude que nous venons de faire sur la précession des points équinoxiaux, il en est donc naturel d’en joindre une autre, où nous montrerons comment les Hellènes et les Arabes ont connu les lois du flux et du reflux de l’Océan.

Cette nouvelle étude nous est rendue très facile par le beau mémoire où M. Roberto Almagià s’est proposé le même objet[1]. Nous n’aurons souvent, au cours de ce chapitre, qu’à répéter ou à résumer ce que M. Almagià a si bien dit.

Les Hellènes ont beaucoup tardé à connaître avec exactitude le phénomène des marées. En effet, dans la Méditerranée et dans les mers qui s’en détachent, la marée est, presque partout, si faible, qu’une observation minutieuse la peut seule déceler à qui, d’avance, en connaît l’existence et les lois. Les régions où le flux et le reflux atteignent une grandeur notable, telles que le fond de l’Adriatique et les côtes de la Tunisie et de la Tripolitaine, n’étaient pas de celles que les marins grecs eussent fréquente occasion de visiter. Des côtes qui leur étaient familières, il n’en est que deux où la marée produise des effets de quelque intensité : c’est l’Euripe de Chalcide, détroit qui sépare l’île d’Eubée de la côte de Béotie, et le détroit de Messine ; les courants de flot et de jusant qui parcourent ces détroits, tantôt dans un sens et tantôt dans l’autre, qui y font affluer ou qui en font refluer l’eau des mers voisines, avaient, de bonne heure, attiré l’attention des pêcheurs et des caboteurs de l’Hellade et de la Grande-Grèce ; mais les effets de ces courants sont singulièrement compliqués, et il était malaisé d’en débrouiller les lois. Il fallait donc, pour que les physiciens et les astronomes fussent renseignés avec quelque exactitude sur le phénomène des marées, attendre que les voyageurs aient pu l’observer dans des mers où il est, à la fois, ample et simple, dans la Mer Rouge, par exemple, et, mieux encore, dans l’Océan Indien ou dans les mers qui prolongent l’Océan Atlantique. À ce phénomène, Hérodote fait une première allusion ; « chaque jour, dit-il en parlant de la Mer Rouge[2], il s’y produit un afflux de lames sur la côte, puis un retrait, ῥηχίη δ’ ἐν αὐτῷ ϰαὶ ἄμπωτις ἁνὰ ηᾶσαν ἡμέρην γίνεται ».

Cette brève mention n’était pas de nature à familiariser les

  1. Roberto Almagià, La dottrina della marea nell’ Antichità classica et nel Medio Evo (Memorie della R. Accademia dei Lincei, Classe di scienze fisiche, matematiche e naturali, vol. V : 5 juin 1905).
  2. Hérodote, Histoire, livre II. chap. XI, 2. — Sur le sens exact des deux mots ῥηχίη et ἄμπωτις, voir : Roberto Almagià, Op. laud., loc. cit. pp. 383-384.