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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

des étoiles fixes. Dans le préambule de ce livre, il rejetait absolument l’hypothèse de l’accès et du recès ; il s’en tenait à l’opinion d’Al Battani, c’est-à-dire à l’hypothèse d’une précession régulière d’un degré en 60 ans.

Nous connaissons d’ailleurs, par une traduction due à A. A. Björnbo[1], ce témoignage d’Abraham Zaccut que nous venons d’entendre invoquer par Agostino Ricci. « Nous trouvons, dans l’ouvrage sur les étoiles fixes publié pur Alphonse en son temps, quatre ans après les Tables, qu’il était revenu [de sa précédente opinion] ; il dit, en effet, que la huitième sphère se meut sans aucun doute toujours dans le sens direct, comme Ptolémée l’a écrit. Cet ouvrage [sur les étoiles fixes] est celui-là même que Rabbi Jehuda, fils de Moïse le Cohen, a traduit pour le roi. »

Abraham Zaccut et son disciple Agostino Ricci s’accordent à nous dire qu’Alphonse X, reprenant en 1256 l’hypothèse ptoléméenne d’une précession toujours dirigée d’Occident en Orient, renonçait à l’opinion qu’il avait professée en 1252. Mais cette opinion était-elle bien celle que nous trouvons consignée dans la version latine des Tables Alphonsines ? Nullement, et il semble aujourd’hui avéré qu’elle en différait grandement.

Le texte romance des tables originales[2] les donne comme l’œuvre de deux astronomes juifs, Jehuda ben Mousa et Isaac ben Sid ; ce dernier est assurément le Rabbi Isaac dont parlent Abraham Zaccut et son disciple Agostino Ricci. Ces deux astronomes n’y attribuent aucunement[3] aux étoiles fixes et aux auges des astres errants deux mouvements, l’un de précession en 49.000 ans. l’autre de trépidation ou d’accès et de recès en 7.000 ans ; ils admettent un seul mouvement, et c’est un mouvement d’accès et de recès, allongamiento et lomamiento ; en cela, donc, le système qu’ils proposent ne diffère point de celui qui est donné au Tractatus de motu octavæ sphæræ et dans les Canons d’Al Zarkali.

En résumé, les faits qu’il est possible d’affirmer touchant l’histoire du système astronomique d’Alphonse X sont les suivants :

En 1252, les Tables Alphonsines sont établies en attribuant aux étoiles iixes et aux apogées des astres errants un simple mouvement d’accès et de recès, sans aucun mouvement de précession.

En 1256, au préambule de la traduction du Traité des étoiles

  1. A. A. Björnbo, Hat Menelaos aus Alexandria einen Fixsternkatalog verfasst ? (Bibliotheca mathematica, 3e série, t. II, 1901, p. 199). — Cf. A. Wegener, Op. laud., p. 182.
  2. Alfred Wegener, Op. laud., 6. Das kastilianische Original der Alfonsinischen Tafeln ; p. 174.
  3. Alfred Wegener, loc. cit., pp. 180-181.