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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Averroès, contemporain et condisciple d’Al Bitrogi, partageait vraisemblablement cette opinion ; on s’explique ainsi qu’à propos de la théorie de l’accès et du recès, il cite Al Zarkali, tandis qu’il ne prononce pas le nom de Thâbit. « Ptolémée, dit-il[1], a pensé que l’orbe des signes est animé, en outre du mouvement diurne, d’un mouvement très lent, qui accomplit sa révolution en trente-six mille ans. Quelques autres se sont imaginés que ce mouvement était un mouvement alternatif d’avance et de retard ; tel ce personnage surnomme Alzarcala, qui fut de notre pays, c’est-à-dire d’Andalousie ; tels aussi ceux qui l’ont suivi ; ils ont composé une certaine Astronomie qui a ce mouvement pour conséquence. »

Dans un autre ouvrage, Averroès semble, plus expressément encore, désigner Al Zarkali comme le premier astronome qui ait donné une forme acceptable à la théorie de la trépidation. L’ouvrage dont nous voulons parier est l’abrégé de l’Almageste que le célèbre philosophe avait composé ; on en possède seulement une version hébraïque qui n’a jamais été imprimée.

Vers la fin de la première partie de cet ouvrage[2], en traitant de la théorie du mouvement des étoiles fixes, Averroès observe que cette théorie faisait naître des doutes chez les observateurs arabes « jusqu’à ce que l’homme connu chez nous dans cet art, dans lequel il surpassa tous ses prédécesseurs, nommé Al Zarkala, eût fait des efforts en ses observations » et qu’il lui fût possible, en les combinant avec celles qu’il trouva faites avant lui, de produire une équation de ce mouvement.

Al Bitrogi et Averroès ne prononcent donc pas le nom de Thâbit ben Kourrah lorsqu’ils parlent de la théorie de la précession des équinoxes ; tous leurs éloges vont à Al Zarkali. Même silence à l’égard de Thâbit, même enthousiasme à l’égard d’Al Zarkali se remarquent chez un astrologue juif qui fut le contemporain d’Al Bitrogi et d’Averroès ; nous voulons parler du célèbre Abraham ben Ezra ou Aven Ezra, qui, comme l’on sait, naquit en 1119 et mourut en 1175.

Aven Ezra parle de la précession des équinoxes dans son traité : Liber conjunctionum planetarum et revolutionum annorum mundi qui dicitur de mundo vel seculo, traité qui fut composé en 1147 et qu’Henri Bate traduisit de l’hébreu au latin, à Malines, en 1281[3].

  1. Averrois Epitome Metaphysicœ (Aristotelis Stagiritæ libri XIIII cum Averrois Cordubesis id eosdem Commentariis et Epitome. Venetiis, apud Juntas, MDLIII, fol. 152, col. a).
  2. Steinschneider, Études sur Zarkali (Bulletino,… t. XX, 1887, p. 17).
  3. Abrahe Avenaris Judei Astrologi peritissimi in re iudiciali opera : ab excellentissimo Philosopho Petro de Abano post accuratam castigationem in