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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

Une troisième fois, Al Bitrogi parle[1], à peu près dans les mêmes termes, des travaux d’Al Zarkali sur la trépidation des étoiles : « Avoashac Alzarcala, dit-il, ayant considéré ces divers mouvements, s’efforça de les réunir [en un système], selon ce qui lui avait semblé, et il en composa une théorie et un comput, bien qu’il n’ait pas connu vraiment et parfaitement le mouvement des étoiles, à savoir que les pôles de l’orbe des étoiles fixes se meuvent sur des cercles parallèles à l’équateur, de telle sorte que le mouvement des étoiles suive le mouvement de ces deux pôles. »

Dans tout ce qu’Al Bitrogi nous dit des travaux d’Al Zarkali touchant le mouvement des étoiles, il ne fait aucune mention des recherches de Thâbit ben Kourrah, comme si celui-ci n’eût pris aucune part à la théorie de la trépidation qu’adoptent les Tables de Tolède, et que celui-là en fut le principal inventeur. Cette impression est bien celle que la lecture d’Al Bitrogi a fait éprouver à Delambre[2] ; bien qu’il ne sache s’il doit reconnaître « Arzachel », c’est-à-dire Al Zarkali, dans cet « Avoashac Alzarcala », il se demande « s’il faut lui attribuer la première idée de la trépidation établie avec plus de détail par Thâbit, qui pourtant paraît ne pas y croire. » D’ailleurs, peut-on douter qu’Al Bitrogi ne regarde Al Zarkali comme l’inventeur du mouvement d’accès et de recès admis par l’Astronomie de son temps, lorsqu’il le désigne comme le seul des modernes qui ait osé, sur ce point, contredire à l’autorité de Ptolémée ?

Si nous réunissons les renseignements divers que nous donne Al Bitrogi, nous voyons qu’Al Zarkali a écrit un livre sur le mouvement d’accès et de recès ; que ce livre se compose d’une théorie et d’un comput ; enfin que les astronomes qui sont venus après lui ont dressé des tables où sont calculées d’avance les conséquences de ce mouvement et, particulièrement, les variations de l’obliquité de l’écliptique.

Au nombre des tables dont il est ici question, il faut sans aucun doute compter les Tables de Tolède. Mais dans ce traité sur le mouvement d’accès et de recès, qui se compose d’une théorie et d’un comput, comment ne pas reconnaître, clairement désigné, le Liber de motu octavæ sphæræ ? Il semble donc évident qu’à tort ou à raison, Al Bitrogi attribue cet écrit à Al Zarkali, et nullement à Thâbit ben Kourrah.

  1. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 12, recto. — Les mots : Et composuit de his theoricam et computum doivent être placés immédiatement après ceux-ci : ut sibi visum est, avant le mot : lacet.
  2. Delambre, Histoire de l’Astronomie du Moyen-Âge, p. 175.