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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

ce phénomène, et pourquoi il a dit : « Je vois que cette variation ne procède pas suivant une vitesse uniforme ; elle est tantôt lente et tantôt rapide ; s’il y a donc un mouvement que nous ignorons et que nous ne saisissons pas ; que celui qui viendra après nous répète les observations et les vérifications, comme nous avons fait nous-même. »

La théorie de Thâbit ben Kourrah semble expliquer d’une manière aisée et heureuse les variations des astronomes au sujet de la grandeur de la précession ; elle explique également une autre variation non moins remarquable, la valeur de plus en plus faible que les observateurs ont attribuée à l’obliquité de l’écliptique.

« Par l’effet de ce mouvement, il se produit une variation dans la déclivité de l’écliptique mobile mesurée par rapport à l’équateur La déclivité maximum correspond au point de l’écliptique mobile qui se trouve à 90° des intersections de ce cercle avec l’équateur…

» Le lieu de l’écliptique fixe qui est le plus éloigné de l’équateur en est distant, par hypothèse, de 23° 30′. Lorsque l’écliptique mobile présente cette inclinaison, ses intersections avec l’équateur ne coïncident pas avec les têtes du Bélier et de la Balance

» Le point de l’écliptique mobile qui est le plus distant de l’équateur se trouve à certain degré, dans le Cancer ou dans les Gémeaux, selon que la tête du Bélier se trouve au nord ou au sud [de l’écliptique fixe].

» Cette obliquité de l’écliptique mobile est donc plus grande que l’obliquité de l’écliptique fixe ; sa valeur est 24° selon la tradition reçue des Indiens[1] ; Ptolémée l’a trouvée égale à 23° 51′ et, au temps d’Al Mamoun, les astronomes l’ont évaluée à 23° 33′. Le mouvement considéré est conçu de telle sorte qu’il faut qu’il en soit ainsi. Figuratur autem motus oportere illud[2]. »

  1. Peut-être les Indiens avaient-ils simplement emprunté cette valeur aux Grecs ; selon Eudème, c’est celle qu’admettaient les astronomes grecs de son temps (Theonis Smyrnaei Liber de Astronomia, cap. XL ; éd. Th. H. Martin, pp. 324-325 ; éd. J. Dupuis, pp. 32O-321).
  2. Delambre, qui semble animé d’une véritable indignation contre le « malheureux système de la trépidation » imaginé par Thâbit, a écrit, en résumant le De motu octavœ sphœrœ : « La plus grande déclinaison est de suivant ce qu’on nous a rapporté des Indiens ; elle n’est que de 23° 51′ suivant Ptolémée, et les observateurs de Maimon ne l’ont trouvée que de 23° 33′ ; mais Thébith n’en conclut pas formellement une variation de l’obliquité, quoique cette variation soit une conséquence nécessaire de son hypothèse ; il n’en dit mot, et peut-être n’en a-t-il pas eu la moindre idée. » (Delambre, Histoire de l’Astronomie du Moyen-âge, p. 74). Ce jugement erroné, et qui suppose une lecture singulièrement superficielle, a été reproduit par Th. H. Martin (Th. H. Martin, Mémoire sur cette question : La précession des équinoxes a-t-elle été connue… avant Hipparque ? Chapitre V).