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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

chaldéens n’ont pas eu, au sujet des étoiles fixes, d’autre opinion que celle-ci : Les étoiles ne parcourent pas tout le ciel ; elles parcourent seulement huit degrés du Zodiaque, tantôt en avant et tantôt en arrière, d’abord vers l’Orient, puis vers l’Occident. Selon eux, la cause de ce mouvement est la suivante : Le pôle de l’Écliptique tourne de l’Orient vers l’Occident suivant un petit cercle ayant pour diamètre du Zodiaque. Ce pôle parcourt le cercle en question en 1.600 ans. Certains savants ont cru que le mouvement circulaire du pôle obligeait les étoiles fixes à parcourir tout le Ciel, parce que ce secret ne leur avait pas été manifesté et qu’ils ignoraient le mouvement du pôle de l’Écliptique, grâce auquel les étoiles fixes se meuvent d’Occident en Orient pendant 800 ans, pour rétrograder ensuite vers leur première position, c’est-à-dire vers l’Occident, et reprendre leur situation primitive au bout de 1.600 ans. »

Il est clair qu’Abraham bar Hiyya ne nous rapporte là l’exacte opinion d’aucun astronome ; ce qu’il nous présente n’est qu’un mélange confus où l’on peut démêler les réminiscences de trois théories distinctes : L’opinion des anciens astrologues, qui imprime aux étoiles un accès de suivi d’un recès du même nombre de degrés ; l’opinion de Ptolémée qui attribuait au mouvement de précession une vitesse de en cent ans ; enfin l’opinion, beaucoup plus récente, que nous verrons attribuer à Thâbit, où se rencontre un tel petit cercle de diamètre un peu supérieur à .

Si cette interprétation des dires d’Albert le Grand et d’Abraham bar Hivva est exacte, les Arabes qui ont vécu au temps d’Al Mamoun ou peu après ce kalife, n’auraient connu qu’une seule théorie de l’accès et du recès, celle qu’avait mentionnée Théon d’Alexandrie. C’est en effet, nous l’allons voir, la seule à laquelle Al Battani fasse allusion.

Le grand ouvrage astronomique d’Al Battani renferme un chapitre, le cinquante-deuxième[1], qui importe extrêmement à l’histoire de l’hypothèse de la trépidation.

Ce chapitre a pour objet, nous dit le titre, de faire connaître « ce que prétendent les astronomes, à savoir que la sphère céleste a un mouvement tantôt direct et tantôt rétrograde, et de montrer que cet avis est manifestement erroné ».

Al Battani s’y exprime en ces termes : « Ptolémée nous conte, dans son livre, que des astrologues ont attribué à la sphère céleste

  1. Al Battaxi sive Albatenii Opus astronomicum, latine versum, adnotationibus instructum Carolo Alphonso Nallino ; pars prima ; Mediolani Insubrum, 1903 ; pp. 126-128.