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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

Selon les Chaldéens, donc, comme selon les Indiens, la distribution des terres fermes et des mers à la surface de notre globe varie suivant une loi périodique ; mais les Chaldéens marquent formellement quelle durée sert de période soit au déluge, soit à l’embrasement ; c’est le temps qui s’écoule entre deux conjonctions consécutives de tous les astres errants avec un même point solstitial.

Nous avons vu[1] que la plupart des écoles philosophiques grecques et latines avaient adopté de très bonne heure, pour ne plus s’en départir, une opinion toute semblable à celle que professaient les Chaldéens, au dire de Bérose ; pour la plupart de ces écoles, la vie du Monde était une vie qui se reproduisait, indéfiniment d’une manière périodique ; la durée d’une période cosmique était mesurée par le temps que mettent les astres errants à reprendre tous, par rapport au ciel des étoiles fixes, des positions identiques à leurs positions initiales.

Comment cette théorie disparut-elle pour faire place à celle que nous avons rencontrée chez les Indiens instruits de l’Astronomie grecque ? Comment en vint-on à égaler entre elles la période qui régit les transformations du monde sublunaire et la période du mouvement d’Occident en Orient qu’Hipparque et Ptolémée avaient attribué à la sphère des étoiles fixes ? Nous ne pouvons le dire avec précision ; mais il semble probable que ce changement apporté à la doctrine de la périodicité du Monde fut l’œuvre propre des Indiens.

Massoudi nous apprend[2], en effet, que « la plupart des indigènes se représentent les diverses révolutions auxquelles le Monde est sujet sous l’image de cercles. Ces révolutions, comme les êtres animés, ont un commencement, un milieu et une fin ».

Lorsque les Indiens connurent la très lente révolution qui entraîne les étoiles fixes et les apogées des astres errants, ils durent être naturellement conduits à lui confier le soin de régir l’alternance des continents et des mers à la surface de la terre.

Cette opinion indienne se répandit ensuite chez les Arabes ; nous allons voir avec quelle faveur elle était reçue, au xe siècle, par les Frères de la Pureté.

Au trente-cinquième traité de leur vaste encyclopédie, les Frères de la Pureté énumèrent les périodes selon lesquelles se repro-

  1. Chapitre II, § X ; t. I, pp. 70-85. — Chapitre IV, § V ; t. I, pp. 164-169. — Chapitre V, § VI ; t. I, pp. 275-284. — Chapitre V, § VII ; t. I, pp. 284-296.
  2. Reinaud, Mémoire sur l’Inde sur p. 328.