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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

son Commentaire au Timée : « Quant à ceux qui veulent que ces étoiles se meuvent aussi d’un degré en cent ans, autour des pôles du Zodiaque, vers l’Orient, comme l’ont voulu Ptolémée, et Hipparque avant lui, à cause de la confiance qu’ils ont donnée à certaines observations, que ceux-là sachent d’abord que les Égyptiens, qui avaient observé le ciel bien avant eux, et les Chaldéens, dont les observations remontent bien plus haut encore, et qui, avant d’avoir observé, avaient été instruits par les dieux, ont pensé comme Platon sur le mouvement unique des étoiles fixes ».

Dans le Commentaire au Timée comme en son Hypotypose, Proclus persiste à croire que Ptolémée n’a recours au mouvement de précession des points équinoxiaux que pour expliquer le déplacement, par rapport à ces points, des absides des cinq planètes ; il proclame[1] que la théorie des planètes n’exige nullement l’intervention de cette hypothèse. D’ailleurs, s’accorderait-elle avec les observations, que cela ne suffirait point à nous assurer qu’elle est conforme à la vérité : « Ne savons-nous pas que, par de fausses hypothèses, on peut arriver à une conclusion vraie, et que la concordance de cette conclusion avec les phénomènes n’est pas une preuve suffisante de la vérité de ces hypothèses ? »

Cette condamnation, Proclus ne la réserve pas aux suppositions qu’Hipparque et Ptolémée ont imaginées touchant le mouvement des étoiles fixes ; il l’étend sans doute au mouvement oscillatoire qu’attribuaient, à ces mêmes astres, les anciens astrologues dont Théon nous a rapporté l’avis ; car Proclus mentionne cet avis assez explicitement pour nous montrer qu’il le connaissait, mais assez brièvement pour nous laisser supposer qu’il n’en tenait aucun compte : « À d’autres astronomes, dit-il[2], il semble que les points tropicaux ne se meuvent pas selon un cercle entier, mais que chacun d’eux se déplace de quelques degrés, puis parcourt de nouveau ces mêmes degrés en sens inverse. — Εἰ ϰαὶ ἄλλοις ἔδοξε ϰαὶ τὰ τροπιϰὰ ϰινεῖν, οὐ μέντοι ϰατὰ ϰύϰλον ὅλον, ἀλλ’ ἐφ’ ἑϰάτερα μοίρας τινὰς ϰαὶ αὖθις ὑποποδίζειν τὰς αὐτάς ».

L’exemple de Proclus nous a montré que certains des philosophes grecs les plus éminents et les plus versés en Astronomie refusaient de recevoir la théorie d’Hipparque et de Ptolémée sur le mouvement des étoiles fixes. D’autres, au contraire, recevaient volontiers cette opinion.

  1. Procli Diadochi In Patonis Timaeum Commentaria. Edidit Ernestus Diehl ; Leipzig, MCMVI ; Βιϐλίον Δ. t. III. pp. 125-126.
  2. Hypotypose de Proclus Diadochus, éd. Halma, p. 88 ; éd. Manitius, pp. 68-69.