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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

valles musicaux d’une gamme ; chez l’un comme chez l’autre, se rencontrent des expressions déjà lues chez Pline. Il est certain que nos trois compilateurs copient un même écrivain latin ; et il n’est guère douteux non plus que cet écrivain ne fût le polygraphe Varron, car c’est à celui-ci que Censorin et Martianus Capella ont emprunté presque toute leur Astronomie.

Mais les manuscrits corrompus de Varron ont fourni à nos trois compilateurs des évaluations discordantes pour les intervalles planétaires, comme on peut en juger par le tableau suivant :

                                                   Censorin         Pline         Capella
De la Terre à la Lune 
  
1 ton 1 ton 1 ton
De la Lune à Mercure 
  
1/2 t» 1/2 t» 1/2 t»
De Mercure à Vénus 
  
1/2 t» 1/2 t» 1/2 t»
De Vénus au Soleil 
  
1 1/2 t» 1 1/2 t» 1 1/2 t»
Du Soleil à Mars 
  
1 t» 1 t» 1/2 t»
De Mars à Jupiter 
  
1/2 t» 1/2 t» 1/2 t»
De Jupiter à Saturne 
  
1/2 t» 1/2 t» 1/2 t»
De Saturne aux étoiles fixes 
  
1/2 t» 1/2 t» 1 1/2 t»
                    Total 
  
6 tons 7 tons 6 1/2 tons


Pline, ignorant des premiers principes de l’harmonie, n’a pas hésité à affirmer qu’une octave comprenait sept tons. Capella reconnaît que le total des huit intervalles doit former six tons, mais il ne voit pas que la somme des nombres qu’il propose vaut six tons et demi ; seule l’évaluation de Censorin est conforme au principe dont elle se réclame ; nous devons la regarder comme reproduisant le texte primitif de Varron, dont Pline et Capella n’ont connu que des copies altérées.

Varron, d’ailleurs, avait assurément emprunté à des auteurs grecs l’évaluation qu’il propose pour les intervalles successifs des astres. Cette évaluation, telle que Censorin nous l’a conservée, est identique à celle que l’on déduit des vers attribués par Théon de Smyrne à Alexandre d’Étolie. En outre, Achilles Tatius[1] nous expose une évaluation à peine différente comme généralement reçue par les musiciens de son temps.

  1. Achilles Tatius, loc. cit.