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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

sent les sons harmonieux que les Pythagoriciens leur attribuent. La Terre, selon Alexandre, rendait le son le plus grave ; les orbes des sept astres errants donnaient les autres notes de l’octave ; ces astres étaient, d’ailleurs, disposés dans l’ordre suivant : la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne.

Théon nous apprend aussi[1] qu’Ératosthène avait développé une opinion analogue à celle d’Alexandre. Deux différences essentielles, cependant, distinguaient la doctrine de celui-là de la doctrine de celui ci. Pour Ératosthène, la Terre immobile ne rendait aucun son ; l’octave était complétée par la note que produisait la rotation de l’orbe des étoiles fixes. En outre, Alexandre assignait aux planètes l’ordre que leur attribuaient, dit-on, les Pythagoriciens et qu’Hipparque devait reprendre ; Mercure et Vénus étaient placés entre la Lune et le Soleil ; Ératosthène, au contraire, incitait le Soleil immédiatement après la Lune et rejetait les cinq planètes au-dessus du Soleil ; il suivait, en cela, l’exemple de Platon, Entre l’échelle musicale qu’Alexandre avait adoptée et celle qu’Ératosthène proposait, il existait aussi certaines divergences. Théon donne la préférence aux évaluations d’Ératosthène qui, dit-il, connaissait la Musique beaucoup mieux qu’Alexandre.

Achilles Tatius[2] cite le mathématicien Hypsiclès comme ayant aussi spéculé sur l’harmonie des sphères et les distances aux astres ; il ne nous dit pas, d’ailleurs, à quelles évaluations ce géomètre s’était arrêté.

Dans son Histoire naturelle, Pline s’occupe assez longuement des distances des astres à la Terre : mais les renseignements qu’il compile avec peu d’intelligence s’accordent mal les uns avec les autres : « Beaucoup de géomètres, dit-il[3], ont tenté d’évaluer les intervalles qui s’étendent entre les astres et la Terre. Certains ont prétendu que la distance de la Lune au Soleil était de dix-neuf parties égales à la distance de la Terre à la Lune. Pythagore, homme à l’esprit sagace, a compté cent vingt-six mille stades de la Terre à la Lune ; de la Lune au Soleil, il en a mis le double ; du Soleil à la sphère des signes [des étoiles fixes], il en a compté le triple. Sulpicius Gallus, notre compatriote, a partagé cet avis ».

Ce passage rapproche des fragments empruntés aux sources les plus diverses.

  1. Théon de Smyrne, loc. cit. ; éd. Th. H. Martin, pp. 192-195 ; éd. J. Dupuis, pp. 232-233.
  2. Achillis Tatii Isagoge in Arati phœnomena, cap. XVII (Petavii Uranologia, p. 136).
  3. C. Plinii Secundi De mundi historia lib. II, cap. XXI.