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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — II. LES SÉMITES

le coup tombe vigoureux et rapide, il fournit un sort aigu ; s’il est plus mou et plus lent, il donne à l’ouïe une sensation plus grave… Les orbes supérieurs tournent avec une impétuosité d’autant plus considérable qu’ils sont plus amples et, en même temps, ils sont plus fortement tendus par le souffle qui est encore à son point de départ ; aussi Cicéron dit-il « qu’ils se meuvent en rendant un son aigu, à cause même de leur rotation plus rapide. Le globe lunaire, au contraire, qui est le plus infime, rend le son le plus grave », car le souffle qui le fait tourner, parvenu au terme de son parcours, est déjà affaibli ; il tourne aussi avec une plus molle impétuosité à cause de l’étroitesse de la sphère dans laquelle l’enserre l’avant-dernier orbe. Cela ne diffère pas de ce que nous expérimentons avec les flûtes ; les trous voisins des lèvres de celui qui souffle dans l’instrument émettent un son plus aigu ; au contraire, les trous plus éloignés de l’embouchure et plus rapprochés de l’orifice émettent un son plus grave ; de même, le son est plus aigu lorsqu’il s’échappe d’un trou plus large, et plus grave lorsqu’il s’échappe d’un trou plus étroit. De ces deux effets, voici la cause : Le souffle est plus fort là où il commence, et plus faible là où il finit ; il presse avec plus d’impétuosité lorsqu’il passe par un large trou, avec moins d’impétuosité, au contraire, lorsqu’il franchit des trous plus étroits et placés plus loin. L’orbe suprême, donc, et parce qu’il présente une immense cavité, et parce qu’il est lancé par un souffle d’autant plus fort qu’il est plus voisin de son origine, émet le plus aigu de tous les sons ; la voix du dernier, au contraire, est rendue grave par l’étroitesse de l’espace qu’il occupe et par la longue distance [qui le sépare de l’origine du souffle]. On voit clairement, par là, que le souffle produit une impulsion d’autant plus molle qu’en sa descente, il s’éloigne davantage de son origine ; lorsqu’il arrive à la terre, qui est la dernière des sphères, il est devenu si épais et si lourd qu’il est la cause pour laquelle la terre demeure toujours adhérente à la même place ; pressée de toutes parts par la densité du souffle qui l’entoure, il ne lui est permis de se mouvoir en aucun sens. »

Sans doute, tout aussitôt après ce passage, Macrobe rappelle que l’orbe des étoiles fixes tourne sans cesse d’Orient en Occident, tandis que les sept orbes des astres errants tournent d’Occident en Orient ; et il a raison de le rappeler, car ce qu’il vient de dire est bien de nature à le faire oublier, à faire attribuer à tous les orbes des mouvements de même sens, de plus en plus lents pour celui qui les considère en descendant du ciel des étoiles fixes au ciel de la Lune, et enfin jusqu’à la terre, absolument immobile.