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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — II. LES SÉMITES

est, selon F. Hultsch, la marque à laquelle on reconnaît sûrement un écrit d’origine grecque qui a été traduit en Arabe. S’il en est ainsi, Al Bitrogi aurait emprunté purement et simplement ses démonstrations géométriques, qui sont ingénieuses, à quelque écrit hellénique sur la théorie des sphères homocentriques ; son originalité, fort mince, serait celle d’un simple adaptateur, voire, peut-être, d’un plagiaire.

D’ailleurs, que la Science hellène ait pu produire un écrit analogue à celui d’Al Bitrogi, c’est une supposition très vraisemblable : l’hypothèse selon laquelle le mouvement rétrograde des astres errants n’est qu’une apparence, due à un mouvement direct moins rapide que celui des étoiles fixes, est une hypothèse qui, sûrement, s’est présentée de fort bonne heure aux astronomes grecs ; il semble qu’à toutes les époques de la Science hellène, elle ait compté des partisans ; c’est, du moins, ce que paraît prouver l’insistance avec laquelle elle est réfutée par ceux qui ne l’adoptent point.

La compilation, bien connue sous le titre : De placitis philosophorum, qui a été faussement attribuée à Plutarque, nous dit[1] : « Anaxagore, Démocrite et Cléanthe prétendaient que toutes les étoiles étaient transportées d’Orient en Occident ; au contraire, Alcméon et les mathématiciens affirment que les étoiles errantes sont mues en sens contraire des étoiles fixes, c’est-à-dire d’Occident en Orient ».

Le stoïcien Cléanthe, né vers l’an 300 avant J.-C., paraît, en effet, avoir poussé assez loin les conséquences de cette hypothèse. Stobée nous dit quelques mots de sa théorie du Soleil[2] ; selon Cléanthe, le Soleil se mouvait, dans sa sphère, suivant une spirale comprise entre les deux tropiques ; cette spirale était identique à l’hélice où Eudoxe et Calippe voyaient la trajectoire résultante de deux rotations de sens contraire.

D’autres Stoïciens paraissent avoir partagé l’opinion de Cléanthe touchant le mouvement direct des astres errants. Cléomède, par exemple, dont on place la vie au premier siècle avant J.-C., s’exprime en ces termes[3] :

« Le Ciel tourne au-dessus de l’air et de la terre, accomplissant une révolution adaptée au salut et à la conservation du

  1. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum, lib. II. cap. XVI.
  2. Joannis Stobaei Eclogarum Physicarum et Ethicarum libri duo. Recensuit Augustus Meineke ; τὸ Α′, φυσιϰα, Κεφ. ϰε′ (Liber I, Physica, cap. 25) ; vol. I, p. 145 ; Leipzig, Teubner, 1860.
  3. Cleomedis De motu circulari corporum caelestium libri duo. Instruxit Hermannus Ziegler ; lib. I, cap. III ; pp. 28-31, Leipzig, Teubner, 1891.