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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

feu et les régions supérieures de l’air prenaient part à la circulation qui entraîne les sphères célestes d’Orient en Occident. « L’air », disait-il[1], « est animé d’un mouvement circulaire, car il est entraîné dans la révolution de ce Monde ; le feu, en effet, est contigu à la matière céleste, et l’air est contigu au feu. »

Cette opinion est reprise et précisée par Al Bitrogi.

« Le mouvement », dit-il[2], « est émis par la sphère suprême, et nous en trouvons la preuve par l’examen de ce qui se passe en ce monde inférieur, parmi les éléments susceptibles de génération et de corruption qui se trouvent au-dessous du Ciel. En étudiant cette vertu, propre à mouvoir le Monde, qui réside dans le corps moteur de l’Univers, nous reconnaissons la vérité de ce que nous avons annoncé. Les substances qui sont plus voisines de ce corps ont un mouvement plus fort et plus rapide que celles qui en sont plus éloignées : ce mouvement est, en effet, une émanation du mouvement circulaire de la sphère suprême ; il s’ajoute, onces substances, à leur mouvement naturel.

» Le feu est animé d’une circulation semblable à la circulation céleste ; on le reconnaît à l’inspection de ces corps, brillants la nuit comme des étoiles, qui apparaissent, de temps en temps, dans les régions supérieures : il semble, en effet, à l’observateur que ces corps soient des étoiles ; ils paraissent se mouvoir avec elles ou les suivre ; ils ont, comme elles, un lever et un coucher. Cela démontre que cet élément igné se meut, entraîné par le mouvement du ciel le plus élevé.

» L’élément de l’air partage aussi ce mouvement, mais il est troublé par certaines agitations ; la régularité de la circulation ne s’y conserve pas toujours, car il est dans la nature de l’air de pouvoir être comprimé, ou chassé avec rapidité, ou divisé ; et toutefois reste-t-il qu’il se meut, la plupart du temps, suivant le mouvement du Ciel, particulièrement au lever du Soleil, au déclin et au coucher de cet astre…

» Quant à l’élément de l’eau, il est très évident que son mouvement suit le mouvement du Ciel, bien que ce mouvement de l’eau n’accomplisse pas une révolution complète. Nous le reconnaissons dans le mouvement régulier que l’Océan éprouve chaque jour et chaque nuit… C’est le mouvement du Ciel qui soulève les eaux de la mer, et ce mouvement se continuerait indéfiniment si la pesanteur des eaux et leur profondeur n’y mettaient un terme. Le

  1. Aristote, Météores, l. I, ch. III (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. III. p. 555 ; éd. Bekker, vol. I, p. 341, col, a).
  2. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 5.