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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — II. LES SÉMITES

de l’Un pur ; c’est pourquoi toute vertu voisine de l’Un pur contient plus d’infinitude qu’une vertu qui en est éloignée, Lorsque la vertu commence à s’étendre et à se propager, son unité se défait et, partant, son infinitude se détruit ; et son infinitude ne se détruit que lorsqu’elle se divise ; elle est alors une vertu divisée. Plus elle est condensée et unie, plus elle devient intense et puissante, plus les opérations qu’elle produit sont admirables. Plus, au contraire, elle se partage et se divise, plus elle s’amoindrit et s’affaibit, plus viles sont ses opérations. Il est donc manifeste et certain que plus une vertu approche de l’Un pur et véritable, plus son unité est puissante ; et plus son unité est puissante, plus son infinitude est apparente et manifeste, plus aussi ses opérations sont grandes, nobles et admirables. »

Ainsi la vertu qui provient de la sphère suprême parviendra à chacune des sphères inférieures, mais elle y parviendra d’autant plus atténuée que cette sphère est plus loin du premier mobile ; en même temps, croîtra le retard du mouvement par lequel cette sphère s’efforce de s’accommoder à la rotation diurne du neuvième orbe.

Si le neuvième orbe est le modèle parfait auquel chaque sphère céleste s’efforce de se conformer, chacune d’elles a sa forme propre, par laquelle elle diffère de la neuvième sphère et de toutes les autres ; cette forme est parfaite en soi, en sorte qu’elle produit un mouvement de révolution uniforme ; mais, pour chacune des huit sphères inférieures, ce mouvement propre a ses pôles spéciaux et sa durée particulière.

Considérons, par exemple, la huitième sphère, celle des étoiles fixes ; elle se prête plus aisément que les autres à l’application des principes posés par Al Bitrogi ; et, d’ailleurs, c’est elle que l’auteur étudie en premier lieu, c’est à elle qu’il consacre les plus longs développements de son livre.

La huitième sphère participe au mouvement diurne de la sphère suprême ; mais, éloignée de celle-ci, elle n’en reçoit pas la vertu dans sa plénitude, en sorte que sa révolution autour des pôles de l’Univers n’est pas entièrement achevée au bout d’un jour sidéral[1] ; il s’en faut d’une petite quantité ; les choses se passent donc comme si, à la révolution diurne d’Orient en Occident, la huitième sphère ajoutait une rotation propre, d’Occident en Orient, très lente et accomplissant, chaque jour, un arc égal au défaut de la révolution totale.

  1. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, foll. 9, verso, et 10, recto.