Ces reproches qu’Al Bitrogi adresse a Ptolémée ne semblent pas entièrement mérités par l’Astronome alexandrin ; celui-ci s’est borné à décrire au soin d’une sphère particulière les excentriques et les épicycles qui tracent son chemin à chaque astre errant, sans regarder aucunement les divers cercles qui doivent guider une même planète comme des orbes solides contenus dans la sphère principale ; il a agi précisément comme Alpetragius souhaitait qu’il l’eût fait. Le disciple d’Ibn Tofaïl ne paraît donc pas avoir acquis la connaissance du système de Ptolémée par une lecture directe de l’Almageste ; il semble plutôt qu’il ait demandé cette connaissance à l’étude des écrits des commentateurs arabes et, en particulier, de Thâbit ben Kourrah, dont les hypothèses semblent visées par les critiques que nous venons de rapporter.
Mais venons à l’exposé du système propre d’Al Bitrogi.
Les quatre éléments, la terre, l’eau, l’air et le feu, entourent le centre du Monde ; à leur tour, ils sont entourés par neuf orbites célestes[1] qui ont la forme de couches sphériques contiguës ayant pour centre commun le centre même de l’Univers.
La neuvième sphère[2], qui enveloppe toutes les autres, ne porte aucun astre ; c’est d’elle que tous les autres tiendront leur mouvement ; mais, elle, « elle se meut d’elle-même et ne reçoit son mouvement d’aucun autre corps ».
Ce mouvement est simple et parfait ; il consiste en un mouvement de révolution uniforme d’Orient en Occident ; les pôles de cette révolution sont les pôles de l’Univers et sa durée est le jour sidéral.
Chacune des orbites inférieures est le support d’un ou de plusieurs astres ; la huitième sphère porte la voie lactée et les étoiles qu’on nomme fixes, parce que leurs mutuelles distances sont invariables[3] ; chacune des autres porte un des astres errants qu’on rencontre dans l’ordre suivant, en descendant de la huitième sphère vers la sphère des éléments corruptibles ; Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, le Soleil, Mercure et la Lune ; car Al Bitrogi met Vénus au rang des planètes supérieures[4].
Aucun de ces orbes n’a la parfaite simplicité de la suprême[5] ; les étoiles ou la planète qu’il porte suffisent à nous révéler son hétérogénéité. Aucun d’eux n’aura donc le mouvement simple et parfait qui anime le premier orbe céleste.