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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

tions ou les soustractions des nombres qui se rencontrent dans l’étude des mouvements, et cela bien que les astres semblent se mouvoir de la sorte, de même, une exposition conforme à la vérité n’admet pas, non plus, les hypothèses comme si elles étaient telles en réalité. En raisonnant sur l’essence des mouvements célestes, les astronomes démontrent que ces mouvements sont exempts de toute irrégularité, uniformes, circulaires, toujours de même sens. Mais ils n’ont pu établir avec exactitude comment les conséquences qu’en trament ces dispositions sont seulement fictives et comment elles ne sont nullement réelles ; alors ils se contentent de juger qu’il est possible, au moyen de mouvements circulaires, uniformes, toujours de même sens, de sauver les mouvements apparents des astres errants. »

Cette doctrine de Simplicius est semblable de tous points à celle qu’avait formulée Posidonius et dont Géminus avait conservé l’énoncé. Nous n’avons donc pas à nous étonner que Simplicius ait inséré cet énoncé dans ses commentaires à la Physique d’Aristote et qu’il y ait paru voir la meilleure définition des rôles respectifs du mathématicien et du physicien.

Comme Posidonius et Géminus, Jean Philopon et Simplicius croient à l’existence d’une Physique capable de formuler, au sujet des mouvements célestes, des principes entièrement sûrs. Mais, en même temps qu’ils sont très certains et très généraux, ces principes sont trop peu détaillés pour fournir l’explication précise des apparences que nous observons. Pour sauver ces apparences, l’astronome se trouve réduit à user de combinaisons hypothétiques. Dans le choix de ces combinaisons, il jouit d’une grande liberté ; deux obligations, en effet, lui sont seules imposées ; d’une part, il ne doit pas considérer de mouvements qui contredisent aux principes généraux posés par la Physique ; d’autre part, il doit, par les artifices les plus simples que la Mathématique lui fournisse, reproduire aussi exactement que possible le cours observable des astres. Mais de cette liberté, il paye la rançon ; il lui est interdit de regarder ses hypothèses comme des images de la réalité.

N’est-ce pas ainsi, d’ailleurs, qu’Aristote avait compris les rôles respectifs de la Physique et de l’Astronomie ? C’est à la Physique qu’il avait constamment fait appel dans sa Physique, au Traité du Ciel et dans sa Métaphysique. Cette science lui avait affirmé que tous les corps célestes sont sphériques ; qu’ils se meuvent tous d’un mouvement circulaire, uniforme et éternel ; que toutes ces circulations s’accomplissent autour d’un même corps grave et