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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

méridien terrestre, en sorte que la longueur même de ce méridien est de 250.000 stades.

Dans ce récit de Cléomède, nous reconnaissons aisément non le procès-verbal minutieusement détaillé des mesures qu’Ératosthène a dû réellement effectuer, mais un exposé grandement simplifié. Syène et Alexandrie sont, pour la commodité du raisonnement, supposées sous le même méridien alors que les longitudes de ces villes diffèrent de plus de . La distance des deux cités, leur différence de latitude sont présentées sous forme de nombres ronds. Il est clair que nous avons sous les yeux une exposition accommodée au goût de lecteurs qui aiment la simplicité.

Quelles furent les observations réellement faites par Ératosthène ? Quelles précautions prit-il pour les rendre aussi exactes que possible ? Le rapport de Cléomède nous le laisse ignorer. Nous en sommes réduits à admirer la justesse du résultat obtenu par Ératosthène sans connaître les raisons qui l’expliquent. Elle est bien remarquable, d’ailleurs, cette justesse ; si, comme il est vraisemblable[1], le stade d’Ératosthène valait 157 mètres 50 centimètres, la mesure du géomètre de Cyrène attribue au méridien terrestre 39.375 kilomètres au lieu de 40.000.

Pline nous dit[2] qu’a l’évaluation d’Ératosthène, Hipparque avait ajouté un peu moins de 25.000 stades. Ce renseignement de Pline concorde mal avec ceux que nous avons par ailleurs. Ce qui paraît certain, c’est qu’en son ouvrage perdu Sur Ératosthène et ce qui est dit dans sa Géographie (Πρὸς τὸν Ἐρατοσθενη ϰαὶ τὰ ἐν τῇ Γεωγρφίᾳ αὐτοῦ λεχθέντα). Hipparque portait à 252.000 le nombre des stades contenus dans une circonférence terrestre, afin qu’un degré du méridien correspondit exactement à 700 stades. Ce nombre de 252.000 stades fut bientôt donné, par tous les auteurs, comme celui-là même qu’Ératosthène avait trouvé. C’est ce nombre que citent Pline[3] et Vitruve[4] ; c’est celui que Théon de Smyrne cite également dans un passage emprunté à Adraste[5] ; c’est celui que Macrobe, Martianus Capella, Censorin ont reproduit à l’envi, toujours en l’attribuant à Ératosthène ; erreur dont Hubert Balfour, dans ses commentaires à Cléomède, s’étonnait à bon droit[6]. Asyteyza),

  1. Paul Tannery, Recherches sur l’histoire de l’Astronomie ancienne, ch. V, 8, p. 110.
  2. C. Plinii Secundi De mundi historia lib. II, cap. CVIII.
  3. Pline l’Ancien, loc. cit.
  4. Vitruvii Pollionis De Architectura lib. I, cap. VI.
  5. Theonis Smyrnæi Liber de Astronomia, cap. III ; éd. Th. H, Martin, p. 149, éd. J. Dupuis, pp 21O-211.
  6. Cleomedes Meteora grœce et latine a Roberto Balforeo ex Ms. codice Bibliothecœ Illustrissini Cardinalis Ioyosii multis mends repurgata, Latinè