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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


VI
LA VALEUR DES HYPOTHÈSES ASTRONOMIQUES SELON JEAN PHILOPON ET SIMPLICIUS

Proclus n’avait pas converti tous les philosophes à son opinion ; après lui, le dogme astronomique de Platon et d’Aristote, le principe que tout mouvement céleste vraiment simple et premier est un mouvement circulaire et uniforme trouvera encore des partisans et des défenseurs déterminés. Nous en pouvons citer deux, presque contemporains l’un de l’autre, le chrétien Jean Philopon et le païen Simplicius,

Jean Philopon argumente évidemment contre Proclus. Celui-ci veut que le mouvement premier et essentiel des astres soit un mouvement spiral, compliqué, non décomposé en rotations uniformes.

« Rien de ce qui se meut en ligne droite, dit Jean Philopon[1], ne peut être perpétuel.

» Mais il est quelques personnes qui s’efforcent, fort sottement, de dissoudre cette raison. Ils prétendent que le corps céleste lui-même, par un mouvement contourné en spirale, est porté du haut vers le bas ; par là, ils l’excluent à la fois de la substance des êtres qui tournent en cercle et de la substance des éléments. Or, selon eux-mêmes[2], les corps qui tournent en cercle sont éternels, tandis que ceux qui sont mus de mouvement rectiligne sont périssables. D’ailleurs, le mouvement enroulé en spirale est mêlé de droit et de circulaire. Si donc le corps céleste est tel qu’il lui convienne naturellement de se mouvoir en spirale, il faut qu’il soit composé d’un corps éternel et d’un corps périssable. Car tout le monde avoue que ce mouvement contourné en spirale est composé de la

  1. Joannes Grammaticus Philoponus Alexandrinus. In Procli Diadochi duodeviginti argumenta de Mundi œternitate. Opus varia multiplicique Philosophiœ cognitione refertum. Ioanne Mahotio Argentenæo interprete Lngduni, 1557, Cum Privilegio Regis. Septinn argumenti Procli solutio, art. XXI : pp. 132-133. — Ioannes Philoponus De œternitute Mundi contra Proclum Edidit Hugo Rabe. Lipsiæ. MDCCCXCIX. VII, 21, pp. 290-293.
  2. Cette doctrine d’Aristote était, en effet, soutenue par Proclus, avec un grand appareil de rigueur, dans un opuscule intitulé : Du mouvement, Περὶ ϰίνησεως (ΠΡΟΚΛΟΥ ΔΙΑΔΟΧΟΥ ΠΕΡΙ ΚΙΝΗΣΕΩΣ ΒΙΒΛΙΑ Β) Procli Diadochi De motu libri duo, nunc promus latinisante donati, Giusto Velsio Hagano Medico interprete. Basileæ, 1545. — In fine : Basileæ, per Joannem Hervagium, Anno salutis MDXLV, mense Martio. Lib. II, theoremata 4 et 5. — ΠΡΟΚΛΟΥ ΔΙΑΔΟΧΟΥ ΛΥΚΙΟΥ ΣΤΟΙΧΕΙΩΣΙΣ ΦΥΣΙΚΗ. Procli Diadochi Lycii Institutio physica. Edidit Albertus Ritzenfeld Lipsiæ, MCMXII, II, 4 et 5, pp. 34-37.