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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Proclus avait dû, fort jeune, être exercé à méditer sur la portée des raisonnements astronomiques, car son maître, Syrianus, s’en était montré soucieux.

Syrianus, né à Alexandrie vers 380, avait étudié à Athènes sous Plutarque le Platonicien ; à la mort de celui-ci, il prit la direction de l’École d’Athènes et la garda jusqu’à sa propre mort, survenue vers 430. Proclus fut son successeur.

Nous avons, de Syrianus, un commentaire à trois des livres de la Métaphysique d’Aristote[1]. Ce commentaire est, en entier, destiné à réfuter les critiques dirigées par Aristote contre les doctrines platoniciennes.

En commentant le second livre de la Métaphysique, Syrianus est conduit à examiner cette question[2], que suggère le second chapitre du Stagirite : Peut-il se faire qu’une même science définisse ce que sont les substances qu’elle étudie et, en même temps, donne la démonstration des accidents propres à ces substances ?

« À cela je répondrai, dit Syrianus, que, de l’essence même des choses, il n’y a pas de science démonstrative (τοῦ τί ἐστιν οὐϰ ἔστιν ἀπόδειξις). Mais rien n’empêche qu’une même science ne soit, à la fois, science qui définit et science qui démontre, science qui définit, à l’égard des essences, et science qui démontre à l’égard des accidents propres. Il appartient, en effet, à une même science de connaître par intuition (θεωρῆσαι) l’Univers, le Soleil, la Lune, et de connaître par démonstration l’éternité de ces êtres et leurs actions…

» Si la science démonstrative des accidents propres remonte jusqu’à la cause première et jusqu’à l’essence des choses, elle sera connaissance absolue, connaissance qui définit. Mais si telle est la science proprement démonstrative, nous devons avouer, toutefois, qu’il en est une autre ; celle-ci démontre à partir d’hypothèses ; elle ne s’élève pas jusqu’aux essences. Ainsi en est-il de la plus grande partie de l’Astronomie ; aussi n’a-t-elle le droit de rien dire touchant la substance des astres qui apparaissent aux

  1. Syriani Antiquissimi interpretis in II, XII et XIII Aristotelis libros Metaphysices Commentarius, a Hieronymo Bagolino, prœstantissimo philosopho, latinitate donatus. In Academia Veneta, MDLVIII. — Le texte grec a été publié sous le titre : Scholia in Aristotelem. Supplementum, dans : Aristotelis Opera, Edidit Academia Regia Borussica Volumen quintum. Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta. Scholiorum in Aristotelem supplementum. Index Aristotelicus. Berolini, 1870. Une autre édition de ce texte est la suivante : Syriani In metaphysica commentaria. Edidit Guilelmus Kroll. Berolini, MCMII.
  2. Syriani In lib. II Metaphysices commentarius, fol. 16, verso et fol. 17, recto. — Scholia in Aristotelem. Supplementum, fol. 848, col. b. — In metaphysica commentaria, éd. Kroll, p. 22.