Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est tenu à des doléances mignardes de petite maîtresse ou d’enfant grondé. Mais, maintenant, personne ne le prend plus au sérieux. Il est devenu la joie de la salle : il sait si bien rire, dès que le pansement est fini, il est si naturellement gai, si enjoué, que je cherche quelle contenance prendre quand, faisant allusion au passé, il me dit, avec son regard où il y a de la bonhomie, de la fierté, de la candeur et beaucoup, beaucoup de malice :

— J’ai tant souffert ! tant souffert !


XIX


Celui-là n’est pas le bel et grave arabe sorti d’un conte des Mille et une nuits ; c’est une sorte de petit monstre brun, au front en corniche, au poil épars et disgracieux.

Il est couché sur la table, et il pousse des cris, parce que son ventre lui fait mal et que la hanche est toute tuméfiée. Que lui dire ? Il n’entend rien, il ne comprend rien ; il est épouvanté, étranger, pitoyable…

À bout de ressources, je tire une cigarette et la lui place entre les lèvres. Toute sa figure change.