Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’éloigne, — puis, respirant fortement l’éther, il tombe dans un ténébreux sommeil.

Il y demeure à jamais, et nous n’avons pas failli à notre promesse.


IV


Quelques jours avant la mort de Tricot, il lui arriva une chose bien fâcheuse : un petit boulon, une espèce de clou, lui vint sur le côté du nez.

Tricot avait eu de grands malheurs : de ses mains, il ne restait que des souvenirs ; mais, surtout, surtout, il portait au côté une grande ouverture qui soufflait comme une bouche fétide, et par où la volonté de vivre fuyait.

Tousser, cracher, chercher avec des yeux ronds d’angoisse une respiration introuvable, ne plus avoir de mains pour se gratter, ne pas pouvoir manger tout seul, et même n’avoir jamais la moindre envie de manger, ce n’est pas une existence ; et, cependant, Tricot n’abandonnait pas la partie. Il poursuivait sa propre guerre avec la patience divine d’un homme qui a mené la grande guerre du monde, et qui sait que la