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Pendant la longue après-midi, je vais m’asseoir, entre deux lits, à côté de Lerondeau. Je lui offre des cigarettes, et nous causons. Cela signifie que nous ne disons rien, ou si peu de chose… Mais pour causer avec Lerondeau, il n’est pas nécessaire de parler.

Marie aime bien les cigarettes, mais il aime surtout que je vienne m’asseoir à côté de lui un bout de temps. Quand je passe dans la salle, il frappe d’une façon engageante sur son drap, comme on frappe sur un banc pour prier un ami de s’y poser.

Depuis qu’il m’a raconté sa vie et sa campagne, il n’a plus grand’chose à me dire. Il prend les gâteaux dont sa tablette est chargée, et il les croque d’un air content.

— Moi, voyez, me dit-il, je mange tout le temps.

Et il rit.

S’il s’arrête de manger pour fumer, il rit encore. Puis il y a un bon silence. De temps en temps, Marie me regarde, et il se reprend à rire. Et quand je me lève pour m’en aller, il me dit ; « Oh ! vous