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ça ne me regardait pas, moi qui sais un personnage bien portant et qui vis debout.


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Carré a, depuis, prouvé qu’il avait le droit d’enseigner le courage au petit Lerondeau.

Lorsqu’on l’apporte au pansement, il reste par terre, avec les autres, en attendant son tour, et il parle peu. Il regarde gravement autour de lui, et sourit quand ses yeux rencontrent les miens. Il n’est pas fier, mais il n’est pas de ceux qui lient conversation à tort et à travers. On n’est pas ici pour plaisanter, mais pour souffrir, et Carré se recueille pour souffrir aussi bien que possible.

Quand il n’est pas sûr de sa préparation, il me prévient et me dit :

— Je n’ai pas toutes mes forces aujourd’hui.

Le plus souvent, « il a toutes ses forces » ; mais il est si maigre, si minable, si réduit devant l’immense devoir, qu’il est parfois obligé de battre en retraite. Il le fait avec honneur, avec grandeur. Il vient de dire : « Le genou me fait bien mal », et sa phrase s’achève presque dans un cri. Alors,