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de l’impôt progressif sur le revenu et le capital. Mais on pourrait faire encore beaucoup mieux. Ce serait d’interdire purement et simplement tous les titres au porteur, rentes, obligations et actions. On peut même se demander pourquoi on les a créés dans le début, quand la loi exige des titres parfaitement nominatifs et très dispendieux (timbre, enregistrement, transcription, inscription hypothécaire) pour la moindre bicoque ou le plus petit immeuble rural. En fait, il n’y a point de titre au porteur pour les maisons et les champs, même d’une valeur de cent francs. Pourquoi n’en est-il pas de même pour les millions et les milliards représentés par les obligations et actions des chemins de fer, des mines et autres entreprises industrielles, pour les rentes sur l’État, qui se transmettent journellement de main en main, à peu près sans frais ? Nous ne sommes plus étonnés de cette anomalie parce que nous avons l’habitude de voir les choses se passer ainsi, contre toute justice et toute raison. Il semble qu’on a voulu faciliter par cette loi de privilège et d’exception la passion du jeu, de l’agiotage et de la spéculation insensée et ruineuse dont nous sommes les spectateurs depuis plus de soixante ans. De nombreuses pétitions ont déjà été soumises au Parlement, signalant les inconvénients de faire porter ainsi les impôts en proportion beaucoup plus considérable sur la richesse immobilière, et surtout la richesse agricole terrienne, la plus utile, la plus morale et la plus féconde de toutes. Ce serait bien l’occasion de revenir sur cette question, et de profiter de la réforme fiscale proposée, pour rétablir l’équilibre injustement rompu au profit de la richesse mobilière et au détriment de la fortune immobilière.