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fiscal et de substituer la progression frappant la richesse, à la progression frappant aujourd’hui la misère.

Depuis un siècle, la presse ne cesse de signaler ces abus, sans faire tomber les écailles qui bouchent les yeux et les tampons qui ferment les oreilles des possesseurs des grandes fortunes. Il est temps d’aviser. Nos lois de procédure, nos lois civiles, nos lois fiscales exterminent chaque année 10.000 familles de petits propriétaires et empêchent un nombre au moins égal de familles d’arriver à la possession de la terre, en les décourageant, en les dégoûtant de tout effort. Et l’on vient se plaindre de la dépopulation des campagnes ! On pourrait plutôt s’étonner qu’il restât encore des gens d’assez bonne volonté, pour exercer cette profession de laboureur, chantée par le poète, mais écrasée par notre imprévoyante législation[1].

Ouvrages à consulter :

La réforme fiscale en France et à l’étranger par M. Charton, professeur de science financière à l’École Polytechnique fédérale de Zurich,

  1. M. Hanotaux, ancien ministre, signala dans Le Journal du 19 septembre 1904, les inconvénients de nos indéracinables frais de justice. « Dans les dernières années du XIXe siècle, les ventes de biens sur saisies immobilières, c’est-à-dire les ventes forcées de propriétés rurales et surtout des petites propriétés, ont atteint le chiffre de 14.000 par an ! 14.000, c’est-à-dire autant de foyers détruits, autant de familles déracinées, autant de groupes ruraux jetés dans la grande ville, et exposés par l’inexpérience de la vie urbaine à toutes les tentations et à toutes les déchéances ».

    Et encore M. Hanotaux, n’a-t-il pas ajouté à ces malheureuses familles, exterminées pour cause de dettes, un nombre peut-être aussi considérable de familles ruinées et dispersées pour cause de minorité. Ici, à l’énormité des frais, la loi ajoute une véritable hypocrisie. Sous prétexte de défendre le petit patrimoine d’enfants mineurs, contre les délapidations d’un tuteur, il n’y a sortes de formalités plus coûteuses les unes que les autres, que la loi impose pour le partage, la liquidation et la vente des biens de ces mineurs. Si le patrimoine est de peu de chose, il est absorbé tout entier. Il y a longtemps que la Belgique, la Suisse, l’Alsace et les provinces Rhénanes autrefois françaises, ont corrigé cet abus.