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lation mosaïque, les législations grecques et surtout dans le droit romain. Sur la matière spéciale du prêt à intérêt, les jurisconsultes, depuis plus de trois mille ans, ont accumulé les observations et les décisions les plus diverses et souvent les plus contradictoires. Mais il reste parfaitement acquis que Moïse, il y a près de trois mille six cents ans, a proscrit d’une manière formelle le prêt à intérêt ; il ne tolérait cette disposition que dans les relations du peuple juif avec l’étranger, c’est-à-dire avec l’ennemi. On ne pouvait prêter à intérêt qu’à celui qu’on avait le droit de tuer, dit un passage du livre de Tobie, ch. 15. Cette interdiction est si formelle qu’aujourd’hui encore, dit-on, les juifs, si attachés à leur tradition la respecteraient, entre eux, et c’est peut-être aussi pourquoi, en cette matière, ils montrent, vis-à-vis l’étranger, c’est-à-dire le non juif, un art particulier en ce qui concerne les affaires financières[1].

  1. Les mouvements de la législation juive au profit du prêt à intérêt sont curieux. Moïse avait recommandé aux juifs de se prêter les uns aux autres sans intérêt, parce qu’ils étaient enfants d’un père commun. Mais il avait permis de prêter à usure aux étrangers, sur quoi saint Ambroise fait remarquer que l’étranger c’était l’Amalacite, l’Amorrhéen et autres peuplades ennemies. Ibi, inquit, usuram exige, cui merito nocere debeas, cui jure inferuntur arma, huic legitime indicuntur usuræ. Quem bello non potes facile vincere, de hoc cito potes centesima vindicare te. Ab hoc usuram exige quem non sit crimen eccidcrc. Sine ferro dimicat qui usuram flagitat, sine gladio de hoste ulciscitur qui fuerit usurarius ac exactor inimici : ergo ubi jus belli, ibi etiam jus usuræ. (S. Ambroise, livre de Tobie, chap. XV.)
    Ce droit juif, à l’instar du ferox jus quiritium des Romains, plus tard s’adoucit avec le temps. Déjà, à l’époque du roi David, des prophètes Ézéchiel et Néhémie, il était enseigné aux juifs qu’il ne leur était plus permis d’exercer l’usure, même à l’égard des étrangers, et que Dieu la condamnait comme une espèce de larcin. L’équité veut, dit saint Jérôme, qu’on admire le progrès de la loi. Dans l’Exode et dans le Lévitique, Moïse défend l’usure à l’égard des pauvres ; dans le Deutéronome, il défend le prêt à intérêt, même à l’égard des riches ; mais il le tolère encore à l’égard des étrangers ; David et Ézéchiel proscrivent toutes les usures à l’égard de tous les hommes ; enfin, Jésus-Christ veut