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Le discours de M. Jules Roche (cette oratio pro milione, s’il est permis de faire un jeu de mots en pareille matière), n’a qu’un défaut ; il est une deuxième édition de l’Adresse de Dupont de Nemours à la Convention, il retarde de cent treize ans. Le temps a marché, la situation a changé ; à quoi bon refuser de voir la réalité, et de s’instruire par la leçon des choses et des événements ? Nos institutions, trop vieilles d’un siècle, si on ne les modifie pas, vont amener une solution de continuité, une séparation complète entre le capital et le travail, entre les détenteurs de la richesse et les producteurs de cette richesse, creuser un fossé de plus en plus profond, qu’il faudra combler par quoi ? Par une nouvelle révolution ? Est-ce cela que vous voulez ? Voyez ce qui s’est passé tout autour de la France, depuis l’Angle terre en tournant par la Prusse, l’Autriche, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Partout on est en voie de conciliation et de transaction. Même dans la sainte Russie et la Chine mystérieuse, on cherche et on trouvera sans doute la solution du problème. Et en France, sous prétexte que nous sommes en république et en démocratie, dit-on, il serait inopportun, il serait dangereux de faire une meilleure part au travail ? Cet état d’esprit ne rappelle-t-il pas ce mot de Proudhon écrivant à un ami à la nouvelle de la révolution de 48 : « Qu’allons-nous devenir, nous autres ouvriers, comment allons-nous gagner notre vie ! » À un autre, il écrit : « Je pleurais sur le pauvre travail leur que je considérais par avance livré à un chômage, à une misère de plusieurs années, sur le travailleur à la défense duquel je m’étais voué et que je me sentais impuissant à secourir. » (Ste Beuve, Revue contemporaine, 25 février 1866).