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qui l’ont accompagné pour implorer sa grâce, sont assaillis à Vernoux par les catholiques, qui font feu sur eux, de toutes parts, des portes et des fenêtres ; 30 protestants sont tués, 200 blessés, dont beaucoup devaient mourir de leurs blessures[1].

L’Église, on le sait, raisonnait ainsi depuis la Révocation de l’édit de Nantes : il n’y a plus que des catholiques dans le royaume ; ceux donc qui se disent protestants sont des apostats ; d’où, entre autres, cet article barbare de la déclaration de 1715, par lequel « Sa Majesté ordonne que, si aucun de ses sujets déclare, à l’heure de la mort, à son curé ou aux procureurs du Roi, qu’il veut mourir dans la religion prétendue réformée, le procès lui sera fait ou à sa mémoire ; la peine est des galères, s’il revient à la vie, et de la confiscation des biens, s’il meurt. » Les théologiens n’avaient pas assez d’admiration pour cet article ; car, remarquaient-ils, « le crime est ici l’apostasie ; depuis la Révocation tous les sujets du Roi sont catholiques de droit parce qu’ils sont nés dans le sein de l’église catholique et que cette bonne mère les a reçus dans ses bras. » Et Caveyrac concluait avec sérénité : « Que le lecteur juge à présent à qui, des sectaires ou des catholiques, convient mieux le surnom d’intolérants ; est-ce à ceux qui n’ont fait que défendre la religion de leurs pères ou à ceux qui ont voulu en introduire une nouvelle[2] ? »

On se tromperait fort si l’on pensait que nous avons pris un malin plaisir à transcrire tous ces tristes passages[3] :

  1. Extrait de l’ouvrage cité de M. Hugues, II, 200.
  2. Apol. de L., XIV, 463.
  3. Nous aurions pu multiplier à l’infini nos citations. Voici, par exemple, un opuscule du P. Richard, qui eut rapidement une seconde édition et qui combat la prétention des Protestants de faire légitimer leur mariage. Nous citons au hasard : « La révolution de l’édit de Nantes est le chef-d’œuvre de la politique la plus profonde et de la prudence la plus consommée… Oui, nous soutenons, avec la plus ferme intrépidité, que, quand les Protestants paraîtraient les plus tranquilles dans l’état où ils sont réduits en France et qu’on ne pourrait pas citer un seul exemple de leur esprit remuant, il serait encore contre tous les principes de la religion chrétienne de leur accorder la permission