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qu’ils font aux mandarins. Ils sont la plupart du pays même où ils servent, et y ont leur famille.

Les trois provinces septentrionales donnent beaucoup de soldats pour le service de l’empereur ; on leur paie de trois en trois mois leur solde, qui est de cinq sols d’argent fin, et d’une mesure de riz par jour, ce qui suffit pour l’entretien d’un homme. Il y en a qui ont double paie : les cavaliers ont cinq sols de plus, et deux mesures de petites fèves, pour nourrir les chevaux qui leur sont fournis par l’empereur.

On compte plus de dix-huit mille mandarins de guerre, et plus de sept cents mille soldats répandus dans toutes les provinces, dans les forteresses, dans les villes et les places de guerre, et le long de la grande muraille.


Entretien des troupes.

Ces troupes sont bien vêtues et bien armées, et ont quelque chose de brillant dans une marche, ou dans une revue, mais il s’en faut bien qu’elles soient comparables à nos troupes d’Europe, soit pour le courage, soit pour la discipline ; le moindre effort est capable de les déconcerter, et de les mettre en déroute.

Outre que les Chinois sont naturellement mous, et que les Tartares sont presque devenus Chinois, la paix profonde dont ils jouissent depuis tant d’années, ne leur donne pas lieu de s’aguerrir ; d’ailleurs l’estime qu’ils font des lettres, préférablement à toute autre profession, la dépendance où les gens de guerre sont des lettrés, l’éducation qu’on donne à la jeunesse, où l’on ne met devant ses yeux que des livres et des caractères, où l’on ne l’instruit qu’à un air grave et sérieux, où l’on ne lui parle que de lois et de politique, cette éducation, dis-je, n’est guère capable de former des guerriers.


Leur destination.

Ces troupes ne servent guère, surtout depuis que la Tartarie est soumise, qu’à prévenir les révoltes des peuples, ou à apaiser les premiers mouvements qui s’élèveraient dans une ville, ou dans une province. Vingt-quatre officiers ont dans le palais la dignité de capitaines généraux, il y a autant de maîtres de camp. Ce sont les Tartares qui les ont institués.

Outre ces officiers tartares, il y a aussi des officiers du Ping pou, ou tribunal de la guerre, qui ont intendance sur les troupes chinoises de tout l’empire. Ceux-ci ont des courriers toujours prêts à partir, pour porter en diligence dans les provinces les ordres nécessaires, et cela se fait dans un grand secret. Leur soin principal est de purger la campagne des voleurs, qu’ils font suivre et observer avec tant d’exactitude, qu’on ne manque presque jamais de les saisir. Lorsqu’il s’agit de pareilles exécutions, les ordres s’envoient à la ville la plus proche du lieu où se trouvent les voleurs ; et s’il est nécessaire, on emploie les forces de plusieurs villes. En cas de guerre, on en fait défiler quelques bataillons de chaque province, pour composer un corps d’armée.

Avant l’union des Tartares avec les Chinois, il y avait le long de la grande muraille, une quantité prodigieuse de troupes destinées à la garder, et à couvrir l’empire, contre les entreprises d’ennemis si redoutables : il n’y en a maintenant que dans les places les plus importantes.