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car il a augmenté leurs appointements, il a déclaré qu’il ne voulait recevoir aucun présent, et leur a défendu de rien recevoir au-delà de ce qui leur est dû, sous les peines portées par la loi, laquelle ordonne, qu’un mandarin qui aurait reçu, ou exigé injustement 80 onces d’argent, sera puni de mort.

Outre cela,

1° Il est difficile qu’il n’y ait du mouvement parmi le peuple quand il gémit sous l’oppression ; et le moindre soulèvement qui arrive dans une province, est imputé au viceroi ; s’il n’est promptement apaisé, il est presque sûr de perdre sa charge. Il est, disent les lois, comme le chef d’une grande famille ; si la paix est troublée, c’est sa faute : c’est à lui de gouverner les officiers subalternes, et d’empêcher qu’ils n’oppriment le peuple : quand le joug est doux, on ne le porte point à regret, encore moins cherche-t-on à le secouer.


On ne peut être mandarin dans sa propre ville

2° Les lois prescrivent, qu’on ne donne à personne aucune charge de mandarin du peuple non seulement dans sa propre ville, mais même dans la province où demeure sa famille ; et d’ordinaire il ne possède pas la même charge un grand nombre d’années dans le même lieu, mais on l’avance ; d’où il arrive qu’il ne contracte point de liaisons avec les gens du pays, qu’il n’a point l’occasion de se partialiser ; et que presque tous ses mandarins qui gouvernent avec lui dans la même province, lui étant inconnus, il est rare qu’il ait des raisons de les favoriser.

Si on lui donne un emploi dans une province qui confine avec la sienne, il doit être placé dans un lieu, qui en soit au moins éloigné de cinquante lieues. La raison est, qu’un mandarin ne doit penser qu’au bien public. S’il exerçait une charge dans son pays il ne manquerait pas d’être troublé par les sollicitations de ses proches et de ses amis et il serait dangereux qu’en leur faveur ou pour leur complaire, il ne commît quelque injustice dans ses jugements, ou qu’il n’abusât de son autorité pour perdre, ou pour opprimer par esprit de vengeance, ceux dont il aurait autrefois reçu quelque outrage, ou dans sa propre personne, ou dans celle de ses parents.

On porte même cette délicatesse jusqu’à ne pas permettre, qu’un fils, qu’un frère, qu’un neveu, etc. soit mandarin subalterne où son frère, son oncle etc. seraient mandarins supérieurs. Par exemple un tel est mandarin dans une ville du troisième ordre et l’empereur vient d’envoyer son frère aîné, pour viceroi de la même province ; le cadet doit aussitôt avertir la cour et la cour lui donne dans une autre province, un mandarinat de même degré, que celui qu’il avait dans la province, dont son frère a été nommé viceroi.

La raison de ce règlement est, qu’on doit craindre que le frère aîné supérieur, ne soit favorable à son cadet inférieur, qu’il ne tolère, qu’il ne dissimule ses fautes ; ou que le cadet ne se prévale de la dignité et de la protection de son frère pour exercer son emploi avec moins d’équité et d’exactitude. D’une autre part, il serait bien dur pour un frère, d’être obligé de porter accusation contre son propre frère.

Pour éviter ces inconvénients, on ne permet point qu’ils soient dans des