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Pour te suivre partout, pour vouloir ton naufrage,

Pour t'aller attaquer en Monarque odieux,

Quand même tu serais entre les bras des Dieux.

Je sais ce que l'Amour demande à ma constance,

Mais je sais mieux encor ce que veut la vengeance.

Je sais tout ce que veut mon bien et mon bonheur,

Mais je sais mieux encor ce que veut mon honneur.

Ô toi, mon cher époux, dont la voix sans pareille

Sort de ton monument et monte à mon oreille,

Cesse de demander, je sais ce que tu veux :

Nous l'aimons, il est vrai, mais nous suivrons tes voeux.

Puis-je mieux satisfaire à ton ombre animée,

Qu'en lui sacrifiant une victime aimée ?

Oui, les Dieux ont permis que nous ayons aimé

Ce qui fut par toi-même autrefois estimé ;

Et sans tous ces soupçons, ta glorieuse estime

Rendrait après ta mort cet Amour légitime.

Mais l'honneur permettra qu'à la face du jour

Nous vengions tes destins sur notre propre Amour.

Est-il une vengeance et plus haute et de même,

Que celle où notre coeur immole ce qu'il aime ?

Que celle où notre Amour sans force et sans appui,

Est contraint de souffrir qu'on se venge sur lui ?

Ha Proxène, ha Proclée, avec mon aventure

Que l'on a de raisons d'aimer la sépulture !

Et qu'un sombre cercueil en l'état où je suis,

Est préférable au Trône où montent tant d'ennuis !