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COMPTE-RENDU DU GLOSSAIRE DE DU CANGE. celui qui lui a fourni le plus de secours. Son lexique (1 ) a mérité d’être considéré comme un digne pendant de celui de Du Cange. Il se distingue par une érudition choisie et pleine de goût, par une critique saine et circonspecte il va droit au fond des choses, sans chercher à briller par une fausse recherche de nomenclature. Deux autres glossaires, celui de Scherz (2) et celui de Wachter (3), offraient moins de secours. Le premier a réuni, sans distinction et sans critique, toute sorte de mots, le second s’occupe plus particulièrement d’étymologies mais les nouvelles publications ont infiniment surpassé ces deux ouvrages. L’Elucidario, publié en Portugal par Santa-Rosa de Viterbo (4) a été beaucoup plus utile à M. Henschel, et il en invoque souvent l’autorité, en même temps qu’il lui emprunte un assez grand nombre de passages. Je viens d’indiquer sommairement les principaux caractères de supériorité que la nouvelle édition du Glossaire a sur la précédente c’est par l’usage seulement qu’on reconnaîtra de plus en plus cette supériorité dans les détails. Mais, après avoir rendu avec un véritable plaisir cette justice à M. Henschel, qu’il me soit permis de faire la part de la critique elle ne peut porter que sur quelques omissions. J’indiquerai d’abord le mot Appellatio. Du Cange n’avait pas cru devoir y consacrer un article il s’en référait sans doute aux connaissances dont il supposait que devaient être munies les personnes q’ii consulteraient le Glossaire. Cet ouvrage en effet n’est pas un livre purement élémentaire il est destiné à venir au secours de ceux qui savent déjà, à compléter leurs connaissances, mais non à leur en donner les premiers rudiments. 1 Toutefois, après y avoir bien réfléchi, je crois qu’un article sur Tes appels n’eût pas été dépourvu d’utilité. Sans doute tout le monde sait que l’appel est la voie par laquelle un plaideur agit pour obtenir la réformation du jugement qui l’a condamné; mais cette voie a-t-elle été toujours usitée, en France surtout, pendant le moyen âge ? N’y a-t-il pas eu un temps où les jugements rendus par les rachimbourgs, les scabins, sous la présidence du comte, grafio, ou, dans les affaires de peu d’importance, du centenier, tunginus, et ressemblant beaucoup aux décisions de nos jurés actuels, n’étaient pas, de leur nature, susceptibles d’appel ? Cependant à cette même époque n’était-il pas permis de s’adresser au roi pour obtenir la réformation d’un jugement contraire à la loi, c’est-à -dire à la coutume notoire ? Le nombre assez considérable de passages qu’on trouve à ce sujet dans les lois de la première et de la seconde race pouvait fournir matière à traiter ces questions. (1) Ch. G. Haltaus, Glossarium Germanicum medii œvi Lipsiae, 2 vol. in-fol. (2) J. G. Scherzii Glossarium Germanicum medii œvi edidit J. J . Oberlinus Argentorat., 1781, 2 vol. in-fol. (3) J. G. Wachlen Glossarium Germanicum Iipsiœ, 1737, in-fol. (4) Elucidario das palavras, termos e frases que em Portugal antiguamente se usarao, por Fr. Joaquim de Santa Rosa de Viterbo; Lisboa, 1798, vol. in-fol. Qu’arriva-t-il lorsque, la classe des hommes indépendants ayant presque entièrement disparu, le régime féodal attribua aux seigneurs de chaque partie du territoire l’exercice de tous les pouvoirs publics, notamment du pouvoir judiciaire ? Les jugements rendus dans les cours de ces seigneurs ne furent-ils pas d’abord rendus en dernier ressort ? Quand et par quelles causes fut introduit l’appel de ces jugements devant le suzerain, et en définitive devant le roi ? Cette question et celles qui en dérivent ne sont pas de simples questions de jurisprudence et de procédure; elles tiennent intimement à l’histoire et à l’état politique. C’est au moyen des appels que les rois ont rétabli un pouvoir qui était réellement anéanti lorsque Hugues Capet mit sur sa tête la couronne du dernier des Carlovingiens. La résistance des seigneurs à cette importante conquête de la royauté est attestée par une multitude de documents; elle prouve qu’ils y voyaient très-bien la ruine future de leur autorité et du régime féodal. L’histoire de cette lutte et de ses résultats aurait même pu offrir à Du Cange la matière d’une dissertation du genre de celle qu’il a faite sur les épreuves, plus utile et plus instructive que celle qui concerne le Laghan, dont je n’entends pas, du reste, contester le mérite, car tout ce qui est sorti de la plume de ce savant est précieux. Luimême a dit quelque chose sur les appels aux mots AIsare, Âpostoli; il donne quelques notions plus développées au mot Falsare judicium. Mais ces articles supposent l’usage et la pratique des appels dans certains cas; ils seraient mieux compris si Du Cange les avait complétés par des développements sur la matière principale. Les Bénédictins n’ont point évidemment suppléé au silence de ce savant par un article qu’ils ont intitulé Appellationes Laudunenses, espèce particulière et locale d’appels, qu’on ne peut apprécier si l’on ne connaît les appels en général. Cette sorte d’appels, connue particulièrement dans le Laonnais et le Vermandais sous le nom d’appeaux frivoles ou volages, et qui a été l’objet d’un assez grand nombre de lois des treizième et quatorzième siècles, insérées au recueil des ordonnances de la troisième race, était un abus né du droit légitime d’appel. Au moment où un procès était introduit dans une justice seigneuriale, la partie assignée déclarait qu’elle appelait, par appel volage, devant le bailli du roi, et par cela seul le juge du seigneur était dessaisi de la connaissance de l’affaire (t). L’introduction de ces appels était un des nombreux envahissements que les baillis royaux ne cessaient de faire sur les justices seigneuriales c’était, je le répète, un abus mais l’abus d’une chose en suppose l’existence légale, et cette chose, c’est-à -dire le droit d’appel en lui-même, est ce qu’il aurait été important de faire connaître. J’ai déjà dit que les documents ne manquaient pas à cet égard on les eût trouvés réunis et réduits en pratique dans un ouvrage composé au quatorzième siècle, sous le titre de Stilus curiœ Parlamenti, qui, longtemps (1) Bouthillier, Somme rurale, liv. h, t. XIV.