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COMPTE-RENDU DU GLOSSAIRE DE DU CANGE. historiques et toutes ces notions doivent être coordonnées, autant du moins que le permet l’ordre alphabétique il arrive très-fréquemment que les notions données sous des mots qui appartiennent aux premières lettres de falphabet trouvent leur développement et leur complément sous des mots qui appartiennent aux dernières lettres. Un grand nombre de mots ont entre eux des points de contact immédiat très souvent ils sont la représentation les uns des autres, en réalité synonymes, et se trouvent dans une mutuelle dépendance, non-seulement par cette synonymie, mais surtout parce qu’ils se rattachent au même sujet. MM. Didot, convaincus, d’après ces considérations, que la nouvelle publication du Glossaire devait, par la nature de l’ouvrage, être confiée à un seul éditeur, l’ont trouvé dans M. Henschel, que d’excellentes études des auteurs classiques, des langues, de l’histoire et de la littérature du moyen âge, faites dans les universités d’Allemagne des recherches non interrompues dans les bibliothèques de Paris; une ardeur infatigable pour le travail un commerce habituel avec les membres les plus distingués de l’Académie des Inscriptions, désignaient à leur confiance. Le nouvel éditeur a dû méditer mûrement et consulter sur le plan qu’il était convenable d’adopter. Ce que j’ai dit plus haut de la manière dont le Glossaire avait été commencé et successivement augmenté ne permet pas de se dissimuler qu’on n’y trouve un peu de désordre, et j’oserais dire d’incohérence et de disparate. Si Du Cange, lorsqu’il préparait sa première édition, avait eu dans les mains la totalité des matériaux que les Bénédictins ont réunis et employés pour l’augmenter, ou si ce savant avait vécu à l’époque où le besoin d’une édition nouvelle s’est fait sentir, et s’il l’eût rédigée luimême, évidemment il y aurait apporté cet esprit de méthode qu’il possédait à un bien plus haut degré que ses continuateurs; surtout l’édition eût été moins diffuse. Eût-il adopté les raisons que les Bénédictins ont données pour combattre son opinion sur quelques points, et certainement sa bonne foi connue est une garantie qu’il ne les aurait pas repoussées par pur amour-propre, il se serait corrigé, et les détails dans lesquels sont entrés les nouveaux éditeurs eussent été inutiles. Eût-il persisté dans sa première opinion, ces détails eussent été également inutiles tout au plus il aurait, dans quelqnes lignes, prévenu et détruit les objections possibles. Même pour des mots dont l’existence et l’usage lui auraient été révélés par les recherches des Bénédictins, et qu’il aurait cru convenable d’admettre, Du Cange, fidèle à son plan primitif de ne pas faire des citations trop longues, se serait borné à indiquer les documents relatifs à ces mots, à en extraire les seuls passages nécessaires, sans les transcrire avec une prolixité qui fatigue et détourne l’attention du lecteur. Surtout, il aurait rejeté un grand nombre de mots qui surchargent l’édition des Bénédictins sans utilité réelle. La basse latinité n’étant que la dépravation d’une langue classique, et, par sa nature même, la dépravation ne connaissant pas de règles, le nombre des formes cor• rompues des mots latins devient infini, précisément à cause du défaut de règles fixes dans la grammaire et l’orthographe du moyen âge. Chercher à réunir toutes ces formes de mots estropiés, ainsi que les Bénédictins l’ont fait trop souvent, serait une entreprise infinie et inutile. Même en bornant les recherches aux documents qu’ils ont consultés, et, à bien plus forte raison, en scrutant ceux qui ont paru depuis 1766 et ceux qu’on pourrait trouver inédits, je ne serais pas surpris qu’on parvînt à réunir plus de vingt mille mots, qui la plupart ne nous apprendraient rien, sinon l’ignorance des copistes en fait d’orthographe et de syntaxe. Un certain tact, une érudition étendue, sûre et variée, peuvent seuls conduire à faire un choix des formes les plus communes de celles qui ont produit des mots ou des locutions dans les langues modernes, ou dont on peut logiquement détermiminer l’origine. Je viens d’expliquer ce que Du Cange aurait certainement fait s’il eût pu présider à l’édition de 1733-36 et au supplément de 1766. Mais M. Henschel pouvait-il se substituer à cet illustre savant et à ses continuateurs, qui, malgré beaucoup d’inadvertances, étaient des hommes d’un vrai mérite ?2 Devait-il tenter de refaire le Glossaire ? J’avoue franchement que je n’aurais osé le lui conseiller. S’il existait de nos jours un savant égal, et même, si l’on veut, supérieur en mérite à Du Cange, qui formât une telle entreprise, je doute qu’elle obtînt un succès actuel. Quoique, sans contredit, l’auteur d’une rédaction nouvelle telle que je la suppose n’eût pas manqué d’y insérer la majeure partie de ce qui a été composé par Du Cange et par ses continuateurs, il ne l’aurait plus offerte que comme son ouvrage propre. Les savants n’y auraient plus trouvé, désignés par des signes auxquels ils sont accoutumés, les articles de Du Cange, qui sont à leurs yeux une autorité décisive, et ceux des Bénédictins, qu’ils consultent avec plus de circonspection ils auraient eu un nouveau Glossaire, mais non le Glossaire de Du Cange, et ce n’est pas ce qu’ils demandaient. Le nouveau travail ne se serait pas produit entouré de cette confiance qui depuis un siècle et demi s’est attachée au nom de Glossaire de Dit Cange. Le seul plan qui pût satisfaire le public était évidemment celui qui consistait à réimprimer l’édition de 173336, en y insérant à la place convenable les articles du supplément de 1766. Mais M. Henschel devait-il supprimer les documents que les -Bénédictins et Carpentier ont fait imprimer in extenso, à l’occasion des mots qu’il suffisait d’expliquer par de courtes observations et par des citations concises, ainsi que Du Cange l’a fait généralement ? On ne peut se dissimuler que pour la plupart ces documents, et même quelques-uns que Du Cange a publiés m extenso, sans que la nécessité en fût bien démontrée, sont réellement des hors-d’œuvre souvent même ils sont assez mal amenés, dans le supplément de Carpentier, à l’occasion d’étymologies très-contestables pour la plupart, et qu’il semble n’avoir proposées, à l’aide des formules hue spectare existimo ou bien aliud autem est,