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ÉLOGE DE DU CANGE nécessaires du caractère que nous avons représenté, que de nous rendre suspects de le vouloir charger de trop de perfections. Toutes ces vertus de M. du Cange étaient assurées, fortifiées, perfectionnées par celles qui sont les seules véritables, par les vertus de la religion elle lui avait appris que toute la science de l’homme n’est qu’ignorance que ses lumières ne sont que ténèbres, et que le corps est un voile qui cache la vérité éternelle à l’âme d’un philosophe chrétien. C’est dans cette disposition que M. du Cange en vit la séparation, qu’il en fut le spectateur tranquille, et qu’il consola même ceux qui pleuraient autour de lui (1 ). D’ailleurs, une vie telle que la sienne était bien digne de finir par un sentiment de confiance dans la bonté et la justice de l’Être suprême, auquel il allait offrir soixante et dix-huit ans de travail et de vertu. Tel fut cet homme extraordinaire, suscité pour « délivrer huit ou neuf siècles de la tyrannie des bar« bares, et les mettre en état de faire quelque envie (1) M. du Cange mourut le 23 octobre 1688, et fut enterré a Paris, dans l’église Saint-Gervais, où se lit une épitaphe digne de lui. Il a laissé quatre enfants. Un seul, François Dufresne, fut marié il eut deux fils, l’un mort sans postérité, l’autre eneore vivant (en 1764), chanoine régulier de Saint-Victor à Paris, et une fille, mariée à M. de Torcy, maréchal de camp, commandant à Nanci. INAUGURATION DE LA STATUE DE DU CANGE A AMIENS Le 19 août 1849 a été inaugurée sur l’une des places d’Amiens la statue en bronze de Dufresne du Cange, né dans cette ville, le 18 décembre 1610, mort à Paris, le 23 octobre 1688. L’Institut avait envoyé auprès de la Société des Antiquaires de Picardie une députation composée de M. Magnin, président, et de MM. Naudet, Stanislas Julien, Paulin Paris, Reynaud, Lenormand, Hase, de la Saussaye, de Luynes et Langlois, membres de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres. M Génin, chef de division au ministère de l’instruction publique et des cultes, délégué par le ministre de l’instruction publique pour le représenter à cette cérémonie, après avoir témoigné les regrets de M. le ministre de n’avoir pu assister à la cérémonie, a pris le premier la parole en ces termes < Messieurs, Élever des statues au talent, au génie, c’est stimuler à son égard l’admiration populaire de tons les instants c’est créer l’émulation, le plus bel hommage peut-être « aux siècles les plus florissants (1). Tel fut ce savant courageux qui, marchant à travers des ruines du BasEmpire et des ténèbres du moyen âge, y trouva de quoi rétablir les annales de son pays, et de quoi rendre le corps de son histoire presque partout également lumineux. Tel fut cet homme laborieux qui a tant lu, qu’on est étonné comment il ait pu tant écrire, et qui a tant écrit, qu’il est incroyable qu’il ait pu tant lire. Tel fut le célèbre du Cange, qui, plus docte que Varron, lui ôta la prééminence dont il était en possession, et qui doit jouir à plus juste titre de la gloire de donner son nom à tout savant d’une science universelle et profonde. Tel fut enfin ce savant vertueux, dont les louanges ne doivent avoir d’autres bornes que celles de la vertu et de la science même. Nous n’avons peut-être dans cet éloge, simple et modeste comme celui qui en est l’objet, donné qu’une faible image de ses vertus, ou qu’une idée imparfaite de ses ouvrages; mais nous sommes comme cet antiquaire qui partit de son pays, arriva en Egypte, jeta un coup d’oeil sur les pyramides, et s’en retourna dans le silence de l’admiration. Mirantur ut unum. Horat. Sat, vi, L. II. LESAGE DE Samike, pseudonyme de BARON, secrétaire de l’Académie d’Amiens. (1) Baillet, Jug. des savants, tome II, Gramm. n. 573. qu’on puisse lui rendre. Il est cependant une autre manière de l’honorer, et qui n’est pas moins digne de lui c’est de répandre ses œuvres, c’est de ne pas souffrir que l’oubli dévore une partie des résultats précieux achetés par tant de veilles. Conformément à cette pensée, M. le ministre a décidé qu’un volume des oeuvres posthumes de du Cange serait publié aux frais de l’État, dans la Collection des documents inédits de l’histoire de France. « En effet, sans parler de dix autres ouvrages, dont un seul suffirait à fonder la réputation d’un érudit moderne, du Cange s’est chargé de dresser l’inventaire complet des ruines des deux antiquités. Le relevé des richesses des deux langues grecque et latine au temps de leur plus grande opulence et de leur plus florissant éclat eût coûté beaucoup moins de temps et de peines, car les idiomes se décomposent sous la main du temps de la même façon que ces palais magnifiques dont les débris écroulés couvrent une étendue de terrain bien autrement vaste et considérable que ne faisaient jadis les monuments debout, dans toute leur gloire. « Si l’on a raison d’admirer le premier architecte,